Country Report by All Survivors Project, UCLA School of Law Health and Human Rights Project and The Williams Institute.

DÉFINITIONS CLÉS
La violence sexuelle désigne tout acte sexuel, tentative d’obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafc ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s’y limiter, le foyer et le travail. La contrainte peut englober un ensemble de niveaux de force. Outre la force physique, cela peut impliquer l’intimidation psychologique, le chantage ou d’autres menaces comme, par exemple, les menaces de dommages corporels, de licenciement ou de ne pas obtenir un emploi. Cela peut également être le cas lorsque la personne agressée est inapte à donner son consentement, comme, par exemple, lorsqu’elle est ivre, droguée, endormie ou mentalement incapable de comprendre la situation.[1] La violence sexuelle peut toucher toute personne, quel que soit son genre, son orientation sexuelle et son identité de genre.
La violence sexuelle liée aux confits fait référence aux faits ou aux formes de violence sexuelle tels que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable à l’encontre des femmes, des hommes, des flles ou des garçons. Ces faits ou formes de violences sont commis en situation de confit ou d’aprèsconfit ainsi que dans d’autres situations graves (par exemple, troubles politiques). Ils peuvent également présenter un lien direct ou indirect avec le confit ou les troubles politiques en tant que tels, autrement dit un lien temporel, géographique ou causal. Outre la portée internationale des crimes présumés (ceux-ci peuvent, en fonction des circonstances, constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des actes de torture ou des génocides), le lien avec les confits peut apparaître évident en ce qui concerne le profl et les motivations des auteurs, le profl de la victime/du survivant, le climat d’impunité ou l’importance réduite de l’État, la dimension transfrontalière et la violation d’un accord de cessez-lefeu.[2]
La violence basée sur le genre est un terme générique pour tout acte préjudiciable perpétré contre la volonté d’une personne et en fonction de différences socialement déterminées, ainsi que de rapports de forces inégaux entre les genres dans le contexte d’une société particulière. Cela englobe les violences physiques, psychologiques, sexuelles et économiques, les menaces de tels actes, la contrainte et les autres privations de liberté, qu’elles aient lieu dans la sphère publique comme dans la sphère privée. Ce terme est également employé par certains acteurs afn de décrire la violence ciblée à l’encontre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) dans des situations où il est fait référence à des violences liées aux normes de masculinité et de féminité ainsi qu’aux normes concernant les sexes.
L’intersectionnalité fait référence au cadre conceptuel qui vise à découvrir la dynamique des différentes dimensions mutuellement liées qui constituent l’identité d’un individu ou d’un groupe de personnes. Une analyse intersectionnelle revient à comprendre la manière dont ces facteurs interagissent, dont les individus exercent leur pouvoir sur les autres ou sont victimes de discrimination et d’oppression en fonction de différentes formes de vulnérabilités en lien les unes avec les autres, ainsi que la manière dont différentes formes d’oppression s’associent pour désavantager certains groupes ou individus plus que d’autres. Ces dimensions comprennent le genre ainsi que la race et l’origine ethnique, les capacités, l’orientation sexuelle, la religion, l’âge et le statut socioéconomique.[3]
Le viol désigne la pénétration, même légère, par la contrainte physique ou un autre type de contrainte, de la vulve ou de l’anus, à l’aide d’un pénis, d’autres parties du corps ou d’un objet [4] , ou la pénétration orale à l’aide de l’organe sexuel d’une autre personne, sans le consentement de la victime, y compris dans le cadre d’une relation intime ou d’un mariage. Une tentative de commettre ce crime est désignée comme une tentative de viol. Le viol d’une personne par deux auteurs ou plus est désigné comme un viol collectif.
ACRONYMES
ASP : All Survivors Project
COOPI : Cooperazione Internazionale
CPI : Cour Pénale Internationale
CPI : Comité Permanent Interorganisations
CPS : Cour Pénale Spéciale
DDRR : Désarmement, Démobilisation, Rapatriement et Réintégration
FACA : Forces Armées Centrafricaines
FIDH : Fédération Internationale des Droits de l’Homme
FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la Population
GBVIMS : Système de Gestion de l’Information sur la Violence Basée sur le Genre
HCDH : Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme
HRW : Human Rights Watch
MARA : Arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information sur les violences sexuelles liées aux confits
MHPSS : Santé Mentale et Soutien Psychosocial
MINUSCA : Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en République Centrafricaine
MISCA : Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous Conduite Africaine
MSF : Médecins Sans Frontières
MRM : Mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les violations graves commises contre des enfants en situation de confit armé
OIM : Organisation Internationale pour les Migrations
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PDI : Personnes déplacées internes
RDC : République Démocratique du Congo
OCHA : Bureau de la coordination des affaires humanitaires
UA : Union Africaine
UMIRR : Unité Mixte d’Intervention Rapide et de Répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants
UNHCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
Liste de groupes armés, de groupes d’autodéfense et de factions
FPRC : Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique
LRA : Armée de Résistance du Seigneur
MPC : Mouvement Patriotique pour la Centrafrique
UPC : Union pour la Paix en Centrafrique
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
La violence sexuelle à l’égard des femmes et des flles en République centrafricaine (RCA) a été qualifée « d’arme de guerre » par les Nations Unies et les organisations internationales de défense des droits de l’homme. Bien qu’il soit reconnu que les hommes et les garçons puissent aussi être des victimes de violence sexuelle, ils n’ont pas fait l’objet de recherches ou d’études. L’ampleur et la nature de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons en RCA sont par conséquent mal comprises et les hommes et les garçons n’ont pas été systématiquement pris en compte dans les stratégies de protection ou dans l’élaboration et la mise en œuvre de réponses pour les survivants.
Une recherche menée en 2017 et au début de l’année 2018 par le All Survivors Project (ASP) a cherché à combler ce manque de connaissances en étudiant précisément l’ampleur des violences sexuelles liées aux confits à l’égard des hommes et des garçons en RCA et les facteurs qui contribuent à leur vulnérabilité dans ce pays. A travers l’analyse de la documentation existante, d’entretiens avec des informateurs clés ainsi que de survivants et de groupes de discussion, l’ASP a également évalué la pertinence des réponses aux violences sexuelles à l’égard des hommes et des garçons dans le but de comprendre comment les renforcer.
Bien qu’il faille poursuivre la recherche afn de déterminer la prévalence des violences sexuelles à l’égard des hommes et des garçons en RCA, les conclusions de l’ASP indiquent une tendance à la victimisation sexuelle des personnes de sexe masculin sur laquelle il est urgent de se pencher. L’ASP a collecté des données sur de nombreuses agressions, dont la plupart ont eu lieu au cours de l’année dernière. Dans la préfecture de Basse-Kotto, qui a été le théâtre de violents combats entre des groupes armés non étatiques tout au long de l’année 2017, l’ASP a collecté des données sur 41 cas éventuels dans lesquels des hommes adultes auraient été victimes de viols ou d’autres formes de violence sexuelle par des membres de ces groupes armés non étatiques. L’ASP a également récolté des données au sujet de 10 incidents potentiels de violence sexuelle à l’égard d’hommes et de garçons en 2017 dans la ville de Kaga Bandoro (préfecture de Nana-Grébizi) ou dans ses environs, une zone où des niveaux élevés de violence armée ont été constatés entre des groupes armés non étatiques pour le contrôle de la région.
À Obo, capitale de la préfecture du Haut-Mbomou, dans le sud-est du pays, une ONG internationale prestataire de soutien psychosocial et d’autres services liés aux violences basées sur le genre a signalé avoir reçu 121 survivants masculins de violence sexuelle dans ses locaux de la ville, entre janvier et octobre 2017. Il s’agissait de 86 hommes et 35 garçons, dont 93 ont été agressés par des membres de groupes armés non étatiques, principalement l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA). D’autres organisations humanitaires avec lesquelles l’ASP s’est entretenu ont communiqué des chiffres plus bas, mais viennent néanmoins régulièrement en aide à des survivants masculins de violence sexuelle qui ont été victimisés par des groupes armés.
Bien qu’il soit possible que les cas de violence sexuelle impliquant des hommes et des garçons aient augmenté au cours de l’année passée en raison de la propagation de l’insécurité à des régions du pays autrefois non touchées, il semble évident, à en juger par des données secondaires, que la violence sexuelle à l’égard des personnes de sexe masculin ne constitue pas un phénomène nouveau. Des cas individuels qui remontent de 2003 jusqu’à aujourd’hui ont été documentés par des enquêtes et des exercices de mapping dans le domaine des droits de l’homme menés par les Nations Unies ainsi que par des organisations internationales de défense des droits de l’homme. En outre, et malgré les efforts mis en œuvre par le personnel de maintien de la paix des Nations Unies afn d’éradiquer l’exploitation et la violence sexuelle, on continue de signaler des cas en RCA.
Les recherches de l’ASP soulignent des circonstances particulières dans lesquelles les hommes et les garçons pourraient être plus exposés à la violence sexuelle et aussi des points communs avec les femmes en ce qui concerne les tendances et les profls des victimes et des agresseurs. Dans les cas documentés par l’ASP, la violence sexuelle était plus fréquente au cours d’attaques armées ou lors de la détention d’hommes et de garçons par des groupes armés. Des incidents vérifés au cours desquels des hommes ont été victimes de violence sexuelle suite à leur refus de rejoindre les groupes armés ont également été documentés, ainsi que des indications selon lesquelles les garçons associés à des groupes armés étaient plus exposés à cette violence pendant qu’ils se trouvaient dans leurs rangs.
Comme c’est le cas pour les femmes et les flles, la violence sexuelle à l’égard des hommes et des enfants s’avère être employée pour terroriser et humilier des « ennemis » présumés. Dans certains cas, ces agressions sont perpétrées afn de se venger d’attaques effectuées par des groupes armés ennemis. Des cas d’agressions sexuelles opportunistes sur des hommes et des garçons existent néanmoins et celles-ci sont rendues possibles par l’absence d’état de droit dans le pays et l’impunité qui en découle.
L’ASP a observé des cas dans lesquels des hommes étaient victimes d’actes de violence sexuelle prolongés et répétés. Quatre survivants interviewés par l’ASP ont, par exemple, relaté des histoires similaires faisant état de leur capture au cours d’attaques par des membres de groupes armés ex-Séléka et de leur transfert dans des camps militaires de fortune où ils ont été détenus dans des conditions épouvantables et régulièrement violés et soumis à d’autres formes de violence sexuelle pendant des jours. Chacun d’entre eux a été témoin du viol d’autres hommes et garçons avec qui ils étaient détenus. Deux d’entre eux ont été forcés de violer ou de commettre d’autres actes de violence sexuelle sur d’autres détenus. Des traitements similaires de personnes capturées par des anti-Balaka ou d’autres groupes d’autodéfense ont été documentés par les Nations Unies.
Ces témoignages concordent avec les informations fournies par des organisations humanitaires à l’ASP selon lesquelles les hommes survivants qu’ils rencontrent ont généralement été violés à l’aide d’un pénis ou d’objets tels que des bâtons ou des pistolets. Des cas de viols collectifs ont été documentés, tout comme des cas dans lesquels des personnes de sexe masculin ont été contraintes à des rapports buccogénitaux avec d’autres hommes ainsi qu’à toucher leurs parties génitales. Selon un expert des droits de l’homme, il pourrait s’agir d’une tactique délibérée visant à accroître le sentiment de honte des victimes en donnant à penser qu’ils se sont adonnés à des pratiques homosexuelles. Cela est particulièrement stigmatisant en RCA, où les attitudes homophobes sont très répandues.
L’ASP a également récolté des informations provenant de sources secondaires impliquant des cas de nudité forcée, de masturbation forcée et d’incidents au cours desquels des hommes ont vu leurs parties génitales frappées, mutilées et coupées, ainsi que d’autres formes de sévices, dont des incidents au cours desquels des femmes et des flles ont été les victimes directes de violence sexuelle, mais leurs proches de sexe masculin ont été contraints d’assister aux agressions. Dans certains cas, ces crimes semblent avoir été motivés par la volonté de punir des proches de sexe masculin.
Certains signes démontrent que des cas impliquant des survivants masculins commencent à être documentés de façon plus proactive par des experts des droits de l’homme des Nations Unies et que les acteurs humanitaires cherchent plus concrètement une manière d’assurer des réponses plus inclusives du point de vue du genre. L’ASP est néanmoins préoccupé par ce qui semble être une hypothèse de travail chez certains acteurs, y compris les experts des droits de l’homme, du genre et de la protection de l’enfance et les prestataires de services humanitaires, selon laquelle la violence sexuelle constituerait un problème ne touchant que les femmes et les flles.
Ce type de stéréotypes de genre bien ancrés a entrainé une situation en RCA où, d’un côté, les parties prenantes impliquées dans la défense des droits de l’homme n’ont pas toujours pris les devants pour enquêter sur des cas impliquant des survivants masculins et, de l’autre, les travailleurs humanitaires et les prestataires de services disposent rarement de tous les éléments pour identifer les hommes et les garçons survivants et leur apporter du soutien. Même lorsque des données sur la violence sexuelle envers les hommes et les garçons ont été collectées, celles-ci n’ont pas été systématiquement diffusées auprès de tous les acteurs pertinents et ne sont pas régulièrement utilisées pour l’élaboration de stratégies de prévention et de réponse à la violence sexuelle.
Des préjugés similaires imprègnent également la société en RCA. Des informateurs clés et des participants aux groupes de discussion ont eu des attitudes concernant la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons qui allaient de la méconnaissance au rejet en passant par le déni et la confusion. Environ les trois quarts des participants aux groupes de discussion ont déclaré qu’il s’agissait d’un sujet tabou qui ne pouvait pas être évoqué. Certains d’entre eux étaient persuadés que la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons n’avait pas lieu au sein de leurs communautés. Un travailleur humanitaire a décrit la façon dont les gens « rient énormément » lorsqu’ils entendent parler de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons: « Pour eux, il s’agit de quelque chose d’amusant. Ils n’arrivent pas à imaginer qu’un homme puisse être violé. »[5] Dans la mesure où la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons est comprise ou prise en compte, elle est perçue comme une honte et un signe de faiblesse, au point qu’avouer avoir survécu à des actes de violence sexuelle est généralement considéré comme un déshonneur pour le survivant ainsi que pour sa famille et sa communauté au sens large. Selon les termes d’un fonctionnaire local à Obo, « nous considérons qu’ils [les survivants masculins] sont véritablement sales et déshonorés. »[6]
Cela laisse à penser que de nombreux survivants masculins choisissent de garder le silence lorsqu’ils sont confrontés à ce genre d’attitudes en raison du risque de rejet par leur famille et leur communauté. Même s’ils décident de révéler ce qui leur est arrivé ou de demander de l’aide, il existe peu de soutien pour les survivants masculins. Étant donné que les services publics sont très limités, la majeure partie du travail de réponse à la violence sexuelle est effectué par les organisations humanitaires internationales. De nombreux travailleurs humanitaires avec qui l’ASP s’est entretenu ont cependant reconnu qu’il existait un manque d’attention pour les hommes et les garçons au sein des programmes humanitaires.
Bien que l’ASP ait trouvé des exemples positifs d’institutions individuelles ayant inclus les hommes et les garçons dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs programmes, cela ne représentait pas une approche systématique et coordonnée au sein de la communauté humanitaire. L’ASP a généralement observé que les niveaux de connaissance sur la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons au sein des prestataires de services étaient faibles et que les organisations humanitaires ne fournissent pas de formations détaillées au personnel concernant la manière de reconnaître et de répondre à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons.
Ce manque de connaissance a inévitablement des répercussions sur la manière dont les programmes sont mis en œuvre. En ce qui concerne le travail de sensibilisation dans les communautés, le résultat est que l’accent soit mis en priorité sur les femmes et les flles. La communication et d’autres matériaux relatifs à la violence sexuelle, notamment sur la manière et les lieux pour obtenir du soutien, renforcent souvent les stéréotypes existants selon lesquels les personnes de sexe masculin sont les agresseurs et non les victimes. Les services médicaux et psychologiques fournis par l’État restent très limités et diffciles d’accès pour de nombreux survivants. Lorsque des services existent, la recherche de l’ASP suggère que les professionnels de santé ne disposent pas des compétences et des connaissances nécessaires afn d’identifer et de fournir un traitement approprié aux hommes survivants. En outre, une évaluation menée en mai 2017 par le Domaine de Responsabilité (AoR) Protection de l’enfance du Cluster mondial protection, a constaté une importante lacune dans la prestation de services de qualité pour les enfants ayant survécu à des actes de violence sexuelle. Il est particulièrement préoccupant que certains des enfants les plus vulnérables, notamment les garçons associés à des groupes armés, ne soient pas identifés comme des survivants potentiels à la violence sexuelle une fois relâchés par ces groupes.
Malgré ce sombre constat, il existe des possibilités immédiates de renforcer les réponses, notamment par l’intermédiaire de la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre en République centrafricaine pour 2018-2021. Cette stratégie sur trois ans, qui est en cours de fnalisation, devrait fournir le cadre de travail nécessaire à toutes les interventions de prévention et de réponse à la violence basée sur le genre, notamment la violence sexuelle. Elle devrait également permettre d’entreprendre les actions nécessaires à une meilleure coordination et intégration des réponses entre les autorités nationales, les Nations Unies et les acteurs non gouvernementaux, y compris dans les domaines de la collecte de données, de la prestation de services, de la sensibilisation et de la mobilisation communautaire ainsi que du renforcement des capacités professionnelles et de la formation. Afn que la Stratégie nationale puisse être totalement effcace, il est nécessaire que les facteurs de vulnérabilité des hommes et des garçons y soient reconnues explicitement et que des réponses spécifques pour chaque genre y soient incluses, bien qu’aucun de ces deux aspects ne fgurait dans la version provisoire consultée par l’ASP.
La Stratégie nationale comprend également des actions visant à renforcer l’accès à la justice pour les survivants de violence sexuelle à la justice, ce qui est pratiquement inexistant à l’heure actuelle, que ce soit pour les hommes ou les femmes. En ce qui concerne le secteur de la justice, deux avancées récentes incitent à l’optimisme, en particulier la création d’une Cour pénale spéciale (CPS) afn d’enquêter sur des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et la mise en place d’une unité de police spécialisée, l’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants (UMIRR) afn d’enquêter sur les crimes de violence sexuelle. Les deux institutions en sont encore à leurs débuts et font face à des défs importants, mais offrent néanmoins des perspectives de justice aux survivants et présentent des possibilités d’élaborer une réponse à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons dans le cadre de leur travail au sens large.
Afn de contribuer à ces actions et à d’autres visant à prévenir et à répondre à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons, l’ASP met à disposition les recommandations suivantes:
- Les groupes armés non étatiques et les autres groupes armés doivent immédiatement cesser les attaques visant la population civile et les attaques indiscriminés. Ils doivent donner des ordres clairs à leurs forces de cesser toute violence sexuelle et de coopérer dans le cadre des enquêtes et des poursuites pour violence sexuelle menées par des autorités nationales et internationales à l’encontre de troupes sous leur commandement.
- La problématique de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons devrait être incluse dans toutes les stratégies du gouvernement, des Nations Unies et des ONG relatives à la prévention et à la réponse à la violence sexuelle. Des ressources devraient être dédiées à la formation et au renforcement des capacités en prenant en compte les besoins spécifques des survivants masculins. Le processus de fnalisation de la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre en République centrafricaine pour 2018-2021 offre une possibilité immédiate de garantir que les stratégies et les réponses soient inclusives du point de vue du genre. L’ensemble des principales stratégies, plans et procédures opérationnelles standards devrait également être révisé d’urgence afn de veiller à l’inclusion de réponses qui soient inclusives et spécifques pour chaque genre. De même, les appels de fonds devraient être révisés de manière à reféter toute ressource additionnelle nécessaire à garantir que la planifcation et la prestation de services pour les survivants masculins ne se fassent pas au détriment des femmes et des flles victimes de violence sexuelle ou d’autres types de violence basée sur le genre.
- La collecte de données et le partage sûr et anonyme des informations en matière de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons devraient être améliorés dans le cadre d’efforts plus larges pour effectuer le suivi et rendre compte des violences sexuelles liées aux confits. Des défnitions cohérentes et des normes pour la collecte de données devraient être mises en place dans l’ensemble des institutions, mécanismes et processus pour effectuer le suivi et rendre compte de la violence sexuelle, de manière à garantir un suivi, une enquête, un enregistrement et un signalement précis et cohérents des cas de violence sexuelle à l’encontre des hommes et des garçons. Les groupes vulnérables tels que les enfants associés aux forces armées et aux groupes armés, ainsi que dans déplacées internes, devraient être systématiquement examinés afn d’identifer les hommes et les garçons susceptibles d’avoir été victimes de violence sexuelle. Les installations (telles que des centres d’écoute et des espaces adaptés aux besoins des enfants) devraient être élaborées afn d’encourager un accès confdentiel et sûr pour les survivants de sexe masculin. Cela devrait inclure la disponibilité d’espaces confdentiels et de personnel qualifé de genre masculin et féminin.
- L’ensemble des acteurs nationaux et internationaux concernés devraient être formés sur la manière de répondre à la violence sexuelle, basée sur une interprétation inclusive de la violence sexuelle et basée sur le genre. Toute institution ou organisation impliquée dans la prévention ou la réponse à la violence sexuelle devrait veiller à ce que l’ensemble du personnel soit formé et possède des connaissances approfondies concernant la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons ainsi que des différences et des liens entre le genre, la sexualité, l’orientation sexuelle et la violence sexuelle. Tous les prestataires de services devraient également être formés sur la manière et les raisons d’orienter des survivants masculins vers une assistance médicale, psychologique, psychosociale ou tout autre soutien approprié.
- Les activités de sensibilisation en matière de violence sexuelle devraient prendre en compte chaque genre et les communautés devraient être formées et soutenues pour identifer et aider les survivants masculins. Des efforts concertés sont nécessaires afn de renforcer les connaissances sur la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons en RCA et de lutter contre la stigmatisation qui en découle. Il s’agit d’un travail à long terme qui nécessitera une transformation culturelle, mais qui s’avère essentiel à la création d’un environnement où les hommes et les garçons seraient mieux protégés et où les survivants masculins pourraient être assistés.
- Les programmes humanitaires et les services médicaux, psychologiques et psychosociaux fournis par l’État doivent être améliorés afn d’être rendus disponibles pour tous les survivants de violence sexuelle sans distinction de genre. Il est nécessaire d’accélérer les efforts pour l’amélioration des services disponibles et des services adaptés à l’âge et au genre, ainsi que l’inclusion des hommes et des garçons dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes. Il est recommandé de se baser sur les exemples existants de bonnes pratiques de prise en charge des survivants masculins et que les hommes et les garçons soient consultés pour l’élaboration et la mise en œuvre des programmes d’assistance. Les mesures minimales doivent inclure : l’accès immédiat des hommes et des garçons à des soins médicaux qui soient axés sur les survivants, de qualité, gratuits et confdentiels ; des systèmes de référencement sûrs et confdentiels pour les survivants masculins ; l’accès des survivants masculins et, si besoin, des membres de leur famille, à un soutien psychosocial ; et des services spécialisés pour les enfants ayant survécu à des actes de violence sexuelle, y compris pour les garçons.
- L’impunité pour les crimes de violence sexuelle doit prendre fn et le droit des victimes à un recours doit être respecté, y compris en tenant les auteurs responsables de leurs actes et en versant des réparations complètes aux survivants, notamment une compensation et des garanties de non-répétition. Une accélération des mesures est nécessaire afn de renforcer la capacité des acteurs du système judiciaire national à enquêter sur les crimes de violence sexuelle, à poursuivre les auteurs et à rendre la CPS pleinement opérationnelle. Ces institutions devraient disposer de moyens et de compétences spécifques pour traiter les cas de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons de manière effcace. L’UMIRR doit être accessible aux survivants masculins et devrait enquêter de manière proactive sur les signalements de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons. Entre-temps, les individus à l’encontre desquels il existe des allégations crédibles de violations graves des droits de l’homme fondamentaux, notamment de violence sexuelle, devraient être exclus de la fonction publique et des forces de sécurité.
- Renforcer les stratégies et les actions pour protéger les hommes et les garçons contre la violence sexuelle. Une protection effcace contre la violence sexuelle demande un niveau de coordination élevé entre les institutions impliquées dans la protection. Cette coordination n’existe pas actuellement en RCA, et il existe un manque de compréhension de l’ampleur et de la nature de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons. Les stratégies et les mesures de protection de civils contre la violence physique, notamment la protection physique par les forces de maintien de la paix et l’engagement politique avec les groupes armés, devraient prendre en compte la protection des hommes et des garçons contre la violence sexuelle. Les Nations Unies doivent à leur tour garantir que leur personnel militaire, civil et de police se conforment à la politique de « tolérance zéro » des Nations Unies en matière d’exploitation et de violence sexuelle.
CONTEXTE
« Le pays est dans une situation d’insécurité totale. Personne n’est en sécurité. Ce n’est pas possible de se balader, de s’amuser, de faire ce dont on a envie, car à tout moment, quelqu’un peut vous dévaliser ou vous tirer dessus. »[7]
La République centrafricaine (RCA) a subi plusieurs coups d’État successifs et fait face à la violence armée depuis son indépendance en 1960. Le confit armé le plus récent a débuté à la fn de l’année 2012 lorsque les groupes rebelles à prédominance musulmane connus sous le nom de Séléka (« Alliance ») ont lancé une campagne militaire qui s’est terminée par le renversement du Président François Bozizé, en mars 2013.[8] En réponse à la prise de pouvoir et à la violence qui a suivi, des groupes de défense locaux connus comme les anti-Balaka (« anti-machette ») sont apparus à la fn de l’année 2013. Avec l’aide de groupes associés qui comprenaient des anciens éléments des forces armées de la République centrafricaine (Forces armées centrafricaines, FACA), ces groupes ont mené des attaques de représailles dans lesquelles les civils musulmans étaient régulièrement pris pour cible.[9] En décembre 2013, le confit avait coûté la vie à des milliers de personnes et entraîné la fuite de plus de 235 000 personnes vers les pays voisins tandis que 825 000 autres se sont déplacées à l’intérieur du pays.[10]
En janvier 2014, face à la spirale de violence, le chef des Séléka, Michel Djotodia, qui s’était autoproclamé Président à la suite du coup d’État, a été forcé de démissionner et un gouvernement de transition a été mis en place le même mois sous la direction de la Présidente Catherine SambaPanza. Des élections présidentielles et législatives différées se sont tenues en mars 2016 et un nouveau gouvernement a pris ses fonctions en avril de la même année sous la présidence de Faustin-Archange Touadéra. Après une brève accalmie de la violence, le contexte sécuritaire s’est cependant détérioré de nouveau à la fn de l’année 2016, les groupes armés se multipliant et continuant à opérer dans la majeure partie du pays.
Bien qu’offciellement dissout en septembre 2013, le groupe des Séléka s’est en réalité séparé en diverses factions parfois rivales, souvent appelées ex-Séléka. Parmi les principales factions, on trouve l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC), le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FRPC) et le Mouvement Patriotique pour la Centrafrique (MPC). Pendant ce temps, on a assisté à la prolifération des groupes d’autodéfense.[11] On recense également des organisations criminelles qui se livrent au banditisme, même si la différence entre ces organisations criminelles et les groupes armés non étatiques n’est pas toujours bien défnie.12 Des groupes armés non étatiques étrangers ont également joué un rôle actif en RCA, principalement l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), qui provient à l’origine d’Ouganda, mais qui s’est infltrée en RCA en 2008 et est responsable de nombreuses attaques sur la population locale.[12]
À partir d’août 2016, on a assisté à une hausse des tensions et de la méfance entre les groupes ex-Séléka et anti-Balaka, ainsi qu’à des rivalités internes entres des factions d’ex-Séléka liées au contrôle de territoires et de ressources naturelles, ce qui a entraîné des explosions de violence dans les préfectures de Nana-Grébizi, Nana Mambéré, Ouham et Ouaka. En 2017, la violence s’est étendue vers l’est dans des régions du pays jusqu’alors non touchées par les confits, notamment la Haute-Kotto et le Mbomou.[13] Dans l’extrême sud-est du pays, le désengagement en 2017 des forces d’opérations spéciales américaines et des contingents militaires ougandais mobilisés par la Force régionale d’intervention de l’Union Africaine (UA) afn de riposter contre la LRA a entraîné un vide sécuritaire. Les groupes armés ont exploité cette faiblesse provoquée par le départ des forces internationales et engendré « une explosion de la violence » dans les préfectures de Mbomou et de Haut-Mbomou.[14] En décembre 2017 quatorze groupes armés non étatiques contrôlaient environ 60 à 70 % du pays[15] alors que les tentatives de médiation et les accords de paix successifs ne parvenaient pas à mettre fn aux affrontements.[16]
Dans ce contexte, la RCA dispose d’une longue histoire d’opérations internationales de soutien militaire. Une force menée par l’Union Africaine, la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous Conduite Africaine (MISCA), a été déployée en 2013.[17] Les forces militaires françaises, dont la présence en RCA était de longue date, ont été renforcées et chargées d’assister la MISCA dans la mise en œuvre de son mandat. Connu sous le nom de Force Sangaris, ce groupe qui comptait au plus fort de son action 2 000 membres a offciellement cessé d’exister en octobre 2016. Les niveaux élevés de violence continue ont poussé le Conseil de sécurité de l’ONU à autoriser la création de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), le 10 avril 2014. Cette dernière est toujours en place et dispose d’un mandat de base visant à protéger les civils, promouvoir et garantir les droits de l’homme, faciliter l’accès à l’aide humanitaire, appuyer le processus politique, la justice et l’État de droit ainsi que soutenir les processus de désarmement, démobilisation, rapatriement et réintégration (DDRR). [18] Des forces de l’Union Européenne ont également été déployées en RCA, tout d’abord en 2014 afn d’appuyer la MISCA et par la suite dans un rôle de conseil et de soutien aux forces militaires nationales.[19]
Le confit a entraîné à la fois une crise des droits de l’homme et une crise humanitaire en RCA. Une cartographie des violations des droits de l’homme entre 2003 et 2015 menée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (Rapport Mapping du HCDH) a observé que de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire avaient été commises par les forces armées étatiques et les groupes armés non étatiques, et que ces violations pouvaient être considérées comme des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Le Rapport Mapping donne des détails sur plusieurs incidents, dont d’horribles récits d’incendies « vastes et délibérées » de villages dans des attaques de représailles; de nombreux récits de « viols collectifs » de femmes et de flles, même de fllettes de 5 ans; d’ « exécutions extrajudiciaires »; de décès à la suite de graves actes de « torture » ou de mauvais traitements dans des centres de détention; d’actes de violence graves commis contre des individus sur la base de leur appartenance religieuse ou ethnique ou en raison de leur soutien présumé à des groupes armés ; du recrutement de milliers d’enfants par des groupes armés ; et d’attaques à la fois contre le personnel humanitaire et les forces de maintien de la paix.[20]
La situation a empiré depuis. Les Nations Unies ont signalé que la situation des droits de l’homme s’était considérablement détériorée mi-2017 et, dans une période de seulement trois mois allant jusqu’à octobre 2017, ont observé 809 violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, lesquelles ont causé près de 1 200 victimes. [21] Les Nations Unies et d’autres institutions ont régulièrement appelé à mettre fn à l’impunité en RCA ainsi qu’à la mise en place de processus ayant pour but d’amener les auteurs de crimes à rendre comptes de leurs actes et de rendre justice aux victimes. Néanmoins, peu d’avancées concrètes ont été effectuées et l’impunité reste profondément enracinée. Alors qu’elle était déjà critique, la situation sur le plan humanitaire s’est également détériorée en 2017 lorsque de violents affrontements et des tensions communautaires ont entraîné des déplacements forcés massifs. En janvier 2018, plus de 688 000 Centrafricains étaient des déplacés internes et 546 000 personnes supplémentaires avaient pris la fuite vers des pays voisins. À l’heure actuelle, la moitié de la population, c’est-à-dire 2,5 millions de personnes, nécessite une aide humanitaire. [22] Selon le Plan d’aide humanitaire pour 2018, 515,6 millions de dollars sont nécessaires pour répondre aux besoins les plus urgents. Au moment de la rédaction de ce rapport, le Plan d’aide humanitaire pour 2017 n’est fnancé qu’à hauteur de 39 %. [23]
OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE
Ce rapport porte sur la violence sexuelle en situations de confits armés à l’égard des hommes et des garçons en RCA[24] Il se concentre principalement sur les actes de violence sexuelle liée aux confits commis par des groupes armés non étatiques depuis 2013, bien qu’il fasse également référence à des cas historiques et à la violence sexuelle à l’égard des garçons commise par le personnel militaire international, notamment les forces de maintien de la paix. Le All Survivors Project (ASP) n’a pas observé de cas de violence sexuelle perpétrés par les forces de l’ordre et ces dernières ne sont par conséquent pas mentionnées dans ce rapport. (Voir « Limites de la recherche » ci-dessous.) Ce rapport se base sur des recherches effectuées par l’ASP en 2017 et en 2018 en RCA, afn de :
- Déterminer l’ampleur de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons liée aux confits et d’identifer les facteurs qui contribuent à les rendre vulnérables à la victimisation sexuelle ;
- Évaluer la pertinence des réponses (médicales, psychosociales, sécuritaires et juridiques) apportées aux survivants masculins de violence sexuelle ;
- Évaluer l’effcacité des mesures de protection des hommes et des garçons contre la violence sexuelle.
La méthodologie de recherche comprend un examen de la documentation disponible, des entretiens avec des survivants et des informateurs clés et des groupes de discussion. La recherche sur le terrain a eu lieu du 10 septembre au 13 octobre 2017 dans la capitale, Bangui, et à Obo, capitale de la préfecture de Haut-Mbomou, dans le sud-est du pays. [25] Au cours de la recherche sur le terrain, l’ASP s’est entretenu avec 61 informateurs clés centrafricains et internationaux, dont des représentants du Ministère des affaires sociales et de la réconciliation nationale, des dirigeants locaux, des responsables militaires chargés du maintien de la paix au sein des Nations Unies et du personnel civil ; des experts de la violence basée sur le genre ; du personnel humanitaire national et international ; des professionnels de la santé ; et des acteurs du système judiciaire dont des représentants de la Cour Pénale Spéciale, de la Direction des Services de police judiciaire et de l’unité de police mise en place récemment, l’Unité Mixte d’Intervention Rapide et de Répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants (UMIRR). Des entretiens supplémentaires par téléphone et par Skype ont été menés en novembre et décembre 2017 et en janvier 2018. L’ASP s’est également entretenu avec quatre survivants et deux témoins directs de violence sexuelle. [26]
Huit groupes de discussion ont également été organisés (quatre à Bangui et quatre à Obo) avec un total de 53 participants en vue de déterminer la connaissance et les comportements vis-à-vis de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons dans différentes catégories de la population, et en particulier : des professionnels qui pourraient être en contact avec des survivants masculins dans le cadre de leur travail, et notamment des professionnels de la santé, du personnel humanitaire et des experts de la violence basée sur le genre ; des représentants de la communautés, dont des membres du clergé, des chefs de quartier, des représentants politiques, des chefs de groupes de jeunes et des représentants de personnes déplacées internes ; ainsi que des membres de la société civile, notamment des vendeurs, des fermiers ou des étudiants. À l’exception d’une personne, tous les participants aux groupes de discussion étaient originaires de Bangui ou d’Obo, bien que certains d’entre eux étaient des déplacés internes. Tous étaient de sexe masculin à l’exception d’une personne. Ils étaient âgés de 19 à 69 ans. La durée de chaque groupe de discussion était d’environ trois heures.
Les entretiens avec les informateurs clés ont été menés par le chercheur en français et en anglais tandis que les entretiens avec les survivants ont été menés en sango (une langue très répandue en RCA) avec des services d’interprétation fournis par un traducteur local étant habitué à travailler avec les survivants de violence sexuelle. Les groupes de discussions se sont tenus en français avec des services d’interprétation en sango. Les réponses ont été enregistrées puis traduites par le chercheur.
L’ensemble de la recherche s’est déroulé conformément à l’approbation du IRB (Institutional Review Board, Comité d’examen institutionnel) obtenue par l’intermédiaire de la School of Law de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et conformément aux directives déontologiques de l’IRB. [27] Un système de référencement a été mis en place pour les survivants en amont de la recherche sur le terrain et les survivants qui ont fait l’objet d’entretiens ont reçu des renseignements sur l’endroit où accéder à des soins médicaux et à un soutien psychosocial gratuits et confdentiels. L’ASP a également effectué un suivi, avec des intermédiaires, afn de s’assurer du bien-être des hommes interrogés. Afn de protéger l’identité des quatre survivants, des pseudonymes ont été utilisés dans ce rapport. L’ASP a également respecté les demandes de confdentialité de certains des informateurs clés.
LIMITES DE LA RECHERCHE
Les conditions de sécurité ont exigé que la recherche de terrain soit limitée à deux endroits, malgré le fait que de nombreux informateurs clés représentaient des organisations présentes à d’autres endroits et par conséquent à même de fournir des renseignements sur la situation existante ailleurs. Notre recherche ne comprend pas les viols commis par les forces armées étatiques et couvre uniquement les données sur les viols commis par des groupes armés non étatiques. Les représentants des groupes armés non étatique avec lesquels l’ASP est entré en contact n’ont pas souhaité effectuer de commentaires ou n’étaient pas joignables.
Il a été particulièrement diffcile d’entrer en contact avec les communautés musulmanes. Cela est en partie dû à l’accès limité découlant des problèmes de sécurité : les musulmans constituent une minorité en RCA [28] et ils vivent principalement dans le nord-est du pays, ce qui a limité l’accès du chercheur de l’ASP. Cela démontre néanmoins la profonde discrimination dont ils sont victimes et leur marginalisation qui en résulte dans la vie publique. Peu de musulmans semblent exercer des fonctions offcielles au sein du gouvernement et ils ont nettement moins de chances d’être recrutés par des ONG internationales par rapport aux chrétiens. Des vagues d’attaques armées perpétrées à l’encontre des communautés musulmanes au fl des années ont provoqué la fuite de centaines de milliers d’entre eux et poussé bon nombre d’entre eux à continuer à vivre dans des zones isolées à Bangui et ailleurs dans le pays. Malgré nos efforts pour entrer en contact avec eux par l’intermédiaire d’interlocuteurs locaux, la plupart n’a pas souhaité participer à la recherche de l’ASP, invoquant la peur pour leur sécurité et la gêne de parler de la violence sexuelle. La majorité des ressortissants centrafricains qui ont pris part à la recherche sont par conséquent chrétiens.
LES HOMMES ET LES GARÇONS SONT ÉGALEMENT EN DANGER : TENDANCES ET PERCEPTIONS DE LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES HOMMES ET DES GARÇONS
LES HOMMES ET LES GARÇONS NE SONT PAS PRIS EN COMPTE
Les Nations Unies et les organisations de défense des droits de l’homme ont décrit l’usage de la violence sexuelle à l’égard des femmes et des flles en RCA comme une « arme de guerre ».[29] Plusieurs centaines de cas de violence sexuelle liée aux confits impliquant des personnes de sexe féminin ont été documentés. Bien que des rapports reconnaissent que les hommes et les garçons soient également victimes de violence sexuelle, ils n’ont pas fait l’objet de recherches ou d’études. L’ampleur et la nature de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons sont par conséquent relativement peu connues. Des recherches supplémentaires sont nécessaires afn d’exposer clairement la situation et de fournir des estimations de prévalence. Les conclusions de l’ASP indiquent néanmoins qu’il existe une tendance visible à la victimisation des hommes et des garçons qui nécessite une attention urgente.
Le faible nombre de signalements et le manque de données fables sur la violence sexuelle ont régulièrement été signalés comme des problèmes en RCA. [30] Si telle est la situation pour les femmes et les flles, il est fort probable que cela le soit d’autant plus en ce qui concerne les hommes et les garçons. Cette situation s’explique, tout du moins en partie, à la connaissance et à la compréhension limitées des risques et des vulnérabilités des hommes et des garçons face à la violence sexuelle. En RCA, une hypothèse de travail fondée sur de rigides stéréotypes de genre, selon laquelle la violence sexuelle toucherait principalement des femmes, semble exister entre de nombreux intervenants, notamment les spécialistes des droits de l’homme, du genre et de la protection de l’enfance ainsi que les prestataires de services humanitaires, selon laquelle la violence sexuelle toucherait principalement des femmes et qui est fondée sur des rigides stéréotypes de genre. Cet angle mort apparent signife que les spécialistes des droits de l’homme n’ont pas toujours été proactifs afn d’enquêter sur les cas impliquant des hommes et des garçons. Le personnel humanitaire et les autres prestataires de services pour les survivants manquent souvent de moyens afn d’identifer et de répondre aux viols commis contre les hommes et les garçons. Même lorsque des données sur la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons ont été collectées, celles-ci ne sont pas systématiquement diffusées auprès de tous les acteurs pertinents et ne sont pas régulièrement utilisées pour l’élaboration de stratégies de prévention et de réponse à la violence sexuelle.
Certains signes démontrent que cette situation évolue peu à peu. Par exemple, en 2017, la MINUSCA et le Groupe d’experts au Comité des sanctions de l’ONU sur la RCA ont documenté des cas de violence sexuelle à l’égard d’hommes et de garçons (voir ci-dessous). Les représentants des organismes des Nations Unies et des organisations humanitaires avec lesquels l’ASP s’est entretenu ont également fait part de leur intention de mettre davantage l’accent sur les hommes et les garçons. Par exemple, le souscluster VBG, un mécanisme interorganisations responsable de la coordination de la réponse humanitaire à la violence basée sur le genre ainsi que de sa prévention, a entrepris un examen des données disponibles sur la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons. Le sous-cluster réféchit également à des moyens d’impliquer davantage les hommes et les garçons, non seulement en tant que groupe cible, mais aussi en tant que partenaires, dans la prévention et les interventions de protection menées par les acteurs humanitaires. Les membres du sous-cluster réféchissent également à la façon dont les activités mises en place afn de sensibiliser les communautés à la violence basée sur le genre pourraient mieux diffuser des informations sur la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons et comment y répondre, ainsi qu’au besoin d’interventions spécifques ciblant ce groupe. [31]
Au cours de sa recherche, l’ASP a collecté des informations relatives à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons obtenues auprès de sources multiples et s’est entretenu avec des survivants masculins et de témoins afn de participer à ces efforts et de contribuer davantage à la sensibilisation à l’égard de ces violences. Les conclusions de l’ASP suggèrent que les hommes et les garçons sont nettement plus exposés à la violence sexuelle liée aux confits en RCA que ce que l’on supposait auparavant.
Entre la mi-2015 et la mi-2017, la MINUSCA a uniquement enquêté sur deux cas de violence sexuelle liée aux confit à l’égard de garçons. [32] Un représentant de la MINUSCA a expliqué à l’ASP que bien qu’ils admettent que la violence sexuelle à l’égard des personnes de sexe masculin puisse être plus fréquente que ce que l’on pense, ils n’en avaient reçu aucune preuve concrète. [33] Depuis la mi-2017, la MINUSCA a néanmoins enquêté sur 13 cas impliquant des personnes de sexe masculin et est en passe d’enquêter sur d’autres. Ces 13 cas comprennent 10 hommes et un garçon victimes de violence sexuelle dans le contexte d’attaques par des groupes armés non étatiques dans la préfecture de Basse-Kotto ainsi qu’un incident à Bria, le 13 octobre 2017, au cours duquel deux hommes ont été contraints par des membres des anti-Balaka à violer des femmes en public afn de les punir pour « sorcellerie ». [34] Les entretiens menés par l’ASP avec des survivants masculins de violence sexuelle suggèrent qu’en 2017, y a eu une tendance plus importante à la victimisation sexuelle d’hommes et de garçons. Deux des survivants ont été victimes d’actes de violence sexuelle commis par des membres de groupes armés dans la Basse-Kotto au cours de la première moitié de l’année 2017. Tous deux affrment également avoir assisté au viol d’autres hommes en compagnie de qui ils étaient détenus. En se basant sur leurs récits, sur d’autres cas confrmés par les Nations Unies et sur d’autres sources, l’ASP a collecté des données sur 41 victimes potentielles de violence sexuelle de sexe masculin dans la Basse-Kotto au cours de l’année 2017. (Pour plus de détails, voir « Hommes et garçons victimes de violence sexuelle dans la Basse-Kotto en 2017 », ci-dessous.) Un autre homme qui a été violé par des membres d’un groupe armé à Kaga Bandoro en avril 2017 a également décrit avoir assisté à des actes de violence sexuelle commis contre six autres hommes et un garçon en compagnie de qui il était détenu. (Pour plus de détails, voir « Survivants masculins de violence sexuelle à Kaga Bandoro », ci-dessous.) Au total, l’ASP a collecté des renseignements sur 50 hommes et un garçon victimes de violence sexuelle dans la Basse-Kotto et à Kaga Bandoro en 2017.
Des hommes et des garçons sont également entrés en contact avec des organisations humanitaires qui fournissent une aide aux survivants de violence basée sur le genre. Une ONG internationale qui intervient à Obo, a déclaré à l’ASP avoir reçu 121 survivants masculins de violence sexuelle dans ses locaux entre janvier et octobre 2017. Les trois quarts (93) des auteurs signalés étaient des membres de groupes armés non étatiques. [35] Un représentant de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a déclaré à l’ASP que ses partenaires signalaient généralement avoir reçu environ 20 survivants masculins de violence sexuelle par mois, principalement à Alindao et Bangassou dans la préfecture de Mbomou, à Mobay dans la préfecture de Basse-Kotto, à Bria dans la préfecture de Haute-Kotto, à Zemio dans la préfecture de Haut-Mbomou et à Kaga Bandoro dans la préfecture de Nana-Grébizi. Selon le représentant de l’OIM, dans chaque cas, les auteurs présumés étaient des membres de groupes armés non étatiques. [36]
D’autres organisations humanitaires avec lesquelles l’ASP s’est entretenu ont déclaré recevoir moins de cas, mais recevaient néanmoins régulièrement des survivants masculins. Par exemple, une ONG internationale qui travaille avec les enfants touchés par le confit a déclaré généralement traiter ou recevoir des signalements de violence sexuelle à l’égard de garçons plusieurs fois par mois. De nombreux (mais pas la totalité des) cas sont liés aux confits, notamment en ce qui concerne les garçons victimes de violence sexuelle alors qu’ils étaient dans les rangs de groupes armés. [37] (Voir « Violence sexuelle à l’égard des garçons », ci-dessous.)
Des incidents de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons sont également documentés par le Système de gestion des informations de violence basée sur le genre (GBVIMS), un mécanisme dirigé par le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) qui collecte et rassemble des informations relatives à la violence basée sur le genre auprès des organisations humanitaires participantes (avec certaines desquelles l’ASP s’est également entretenu directement). [38] D’après les informations accessibles au public, il est diffcile de déterminer le nombre de cas signalés par le GBVIMS qui constituent des cas de violence sexuelle liée ou non aux confits par rapport aux autres formes de violence basée sur le genre. Les rapports mensuels du GBVIMS de janvier à août 2017 recensent néanmoins plus de 600 cas de violence basée sur le genre à l’égard d’hommes ou de garçons en RCA, et il faut noter que les groupes armés non étatiques et les forces de police sont désignés chaque mois comme responsables d’un quart de l’ensemble des incidents documentés. [39]
Selon un représentant de l’Organisation International pour les Migrations (OIM), les cas de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons auraient augmenté en 2017 en parallèle avec la propagation de la violence dans des régions du pays auparavant épargnées. [40] On ignore cependant si cela est dû à une augmentation générale de toutes les formes de violence sexuelle, à un ciblage accru des hommes et des garçons de la part des parties au confit armé, d’actions plus concertées de la part des acteurs de défense des droits de l’homme de recensement des cas, ou des nouveaux efforts des organisations humanitaires en vue de faciliter le signalement pour les hommes et les garçons.
Ces violences n’ont cependant rien de nouveau. Le GBVIMS, par exemple, a documenté un nombre important de cas impliquant des hommes et des garçons dans son Rapport annuel de 2016 : sur les 11 110 cas documentés en RCA cette année, 14 % d’entre eux (soit environ 1 555), impliquaient des crimes à l’égard d’hommes ou de garçons. [41] On ignore également combien de ces cas correspondent à la défnition de violence sexuelle liée aux confits. [42] Le Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits a également observé des niveaux élevés de violence sexuelle en RCA en 2015. [43]
Des incidents ayant eu lieu au cours des années précédentes et impliquant des hommes et des garçons ont également été documentés par d’autres sources. Par exemple, le Rapport Mapping du HCDH, qui rassemble des données de sources multiples relatives à des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre janvier 2003 et décembre 2015, comprend des informations sur d’anciens incidents de violence sexuelle à l’égard d’hommes ou de garçons en 2003, 2009, 2011 et 2015. Le rapport de 2014 de la Commission d’enquête internationale sur la République centrafricaine, qui se penche sur les viols commis lors de la période du coup d’État de 2013, renvoie à des témoignages d’au moins sept hommes victimes de violence sexuelle à Bouar, la capitale de la préfecture de Nana-Mambéré, et à une autre affaire dans laquelle un jeune homme a été violé par un soldat du groupe Séléka à Bangui en 2013. [44] (Voir « Violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons dans le contexte du coup d’État de 2013 », ci-dessous.)
Des cas individuels impliquant des hommes et des garçons ont également été documentés par des organisations internationales de défense des droits de l’homme, au cours des 15 dernières années, parmi lesquelles Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). [45] Au total, ces cas n’atteignent pas la tendance généralisée de violence sexuelle qui a été constatée à l’égard des femmes et des flles en RCA, mais le fait de porter une plus grande attention à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons pourrait parfaitement entraîner la découverte de nombreux cas supplémentaires. [46]
LES HOMMES ET LES GARÇONS SONT EXCLUS DES ANALYSES
La documentation existante donne peu d’éléments concernant la compréhension des circonstances dans lesquelles ce type de violence a lieu. Par exemple, le GBVIMS reconnait dans son Rapport annuel de 2016 que la part de cas impliquant des personnes de sexe masculin n’est « pas négligeable » (comme indiqué, cela représente 14 % des cas documentés en 2016). Cependant, le rapport ne fournit pas d’indications sur les causes sous-jacentes ou sur les facteurs de vulnérabilité spécifques aux hommes et aux garçons. À la place, le GBVIMS ainsi que d’autres rapports, dont le Rapport Mapping du HCDH, se concentrent sur l’inégalité de genre, la discrimination et la marginalisation qui sous-tendent le nombre élevé d’actes de violence sexuelle à l’égard des femmes et des flles. Bien qu’il ne fasse aucun doute que cette analyse soit juste, elle ne prend pas en compte le contexte entrainant la victimisation des hommes et des garçons. [47]
En outre, les données collectées en matière de violence sexuelle ne sont pas diffusées systématiquement auprès des parties prenantes concernées. Cela accroît la diffculté d’obtenir une vision complète de la situation et d’élaborer des stratégies coordonnées afn d’y répondre. En RCA comme ailleurs, divers acteurs sont impliqués dans la collecte de données et enquêtent sur les affaires de violence sexuelle. Parmi ceux-ci, on recense le GBVIMS, la Division des droits de l’homme de la MINUSCA, le Mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les violations graves commises contre des enfants en situation de confit armé (MRM), les Arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information sur les violences sexuelles liées aux confits (MARA), l’Expert indépendant des Nations Unies et le Groupe d’experts sur la RCA du Comité des sanctions des Nations Unies. Bien qu’il y ait des recoupements, le partage de renseignements reste rare. Les différentes raisons pour lesquelles les données sont collectées, les différentes méthodes utilisées et le manque de défnitions concertées de la violence sexuelle liée aux confits entraînent parfois un manque de compréhension commune des informations, ce qui limite les possibilités d’analyse complète. Le partage d’informations, y compris en ce qui concerne les tendances et les évolutions, semble également avoir été entravé par le passé par de mauvaises relations entre certains acteurs majeurs. [48]
En outre, le partage de données en matière de violence sexuelle nécessite une gestion prudente afn de protéger la sûreté et la vie privée des survivants. Les organisations humanitaires sont confrontées à des sensibilités particulières en ce qui concerne le possible impact du partage de données sur leurs relations avec les communautés qu’elles aident, ainsi que la sécurité de leur personnel et de leurs programmes. Il faut tenir compte de ces enjeux tout en élaborant des moyens de partager des données de manière anonyme à plus grande échelle. Sans une compréhension de base commune de la portée et de la nature de la violence sexuelle, dans le meilleur des cas, les réponses seront seulement partielles et, dans le pire des cas, les populations touchées telles que les hommes et les garçons ne seront pas du tout assistés. [49]
« PERSONNE NE PREND SOIN DES HOMMES ET DES GARÇONS » NORMES HUMANITAIRES RELATIVES AU PARTAGE DE DONNÉES Les normes humanitaires comprennent des normes éthiques strictes à respecter lors du partage de données relatives à la violence sexuelle, en insistant sur la sécurité, la sûreté, la confdentialité et le consentement éclairé de ceux qui fournissent des informations. Malgré ces contraintes, le partage de données entre les acteurs concernés est envisagé dans de nombreuses orientations sur l’action humanitaire : · Les Directives du Comité permanent interorganisations (CPI) concernant la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence (2007) recommandent aux organismes d’envisager, le cas échéant, de partager des données avec les organisations de défense des droits de l’homme, notamment le partage de témoignages anonymes de survivants à des fns de plaidoyer ; [50] · Le modèle de protocole de diffusion des informations sur les VBG du GBVIMS (2014) reconnait que la diffusion des informations constitue un élément essentiel dans la coordination et de la collaboration entre les organisations en matière de violence basée sur le genre, qui peut contribuer à illustrer les évolutions, à souligner les écarts et à renforcer la sensibilisation en vue d’améliorer les programmes. Il reconnait également que le partage de données peut contribuer à améliorer les réponses, par exemple, des autres prestataires de services, des membres du sous-cluster VBG ainsi qu’avec les organismes des Nations Unies dotées de mandats de protection. [51] Les Standards professionnels du CICR pour les activités de protection menées par les organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme lors de confits armés et d’autres situations de violence (2009) comprennent des normes minimales sur le partage de données, dont : · Les acteurs de protection devraient s’efforcer d’échanger leurs analyses pour favoriser une meilleure compréhension des questions relatives à la protection et de leur impact sur les différentes populations à risque ; · Les acteurs de protection doivent encourager d’autres acteurs œuvrant dans ce domaine et ayant les compétences et les capacités requises à agir là où ils soupçonnent que les besoins de protection à satisfaire sont importants ; · Lorsqu’un acteur de protection est en possession d’informations sur de graves violations du droit international humanitaire ou des droits de l’homme et que ses capacités ou son mandat ne lui permettent pas d’agir, il devrait alerter d’autres organisations susceptibles d’avoir les capacités ou le mandat requis. [52] |
LA NATURE DE LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES HOMMES ET DES GARÇONS EN RCA
Les recherches de l’ASP en RCA suggèrent qu’il existe des circonstances particulières favorisant la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons, et que l’on peut effectuer certains parallèles avec les femmes et les flles en ce qui concerne les tendances et les profls des victimes et des auteurs. La violence sexuelle s’avère être plus courante au cours d’attaques armées ou lors de la détention d’hommes et de garçons par des groupes armés. Des incidents vérifés au cours desquels des hommes ont été victimes de violence sexuelle suite à leur refus de rejoindre les groupes armés ont également été documentés, ainsi que des indications selon lesquelles les garçons associés à des groupes armés étaient plus exposés à cette violence dans leurs rangs.
Comme c’est le cas pour les femmes et les flles, la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons s’avère être employée pour terroriser et humilier des groupes d’ennemis. Dans certains cas, ces agressions sont perpétrées afn de se venger d’attaques effectuées par des groupes armés ennemis. Il existe cependant des cas d’agressions sexuelles opportunistes sur des hommes et des garçons, rendues possibles par l’absence d’état de droit dans le pays et par l’impunité qui en découle concernant les actes criminels. La situation socioéconomique constitue également un facteur dans la mesure où la plupart des individus résidant dans des zones de haute insécurité sont pauvres, n’ont pas suivi une scolarité classique et participent généralement à des activités de subsistance telles que l’agriculture, la pêche, la chasse ou le commerce à petite échelle, lesquelles leur demandent de s’installer dans des zones encore plus reculées et dangereuses.
Les entretiens menés par l’ASP auprès de témoins et de survivants démontrent que la violence sexuelle à l’égard des hommes et des enfants peut être prolongée et répétée. Dans le cas des quatre survivants interrogés par l’ASP, tous avaient subi plusieurs viols et d’autres formes de violence sexuelle. Ils sont tous les quatre chrétiens et ont été capturés par les groupes à majorité musulmane ex-Séléka au cours d’attaques armées dans leur ville ou leur village. Ils ont été emmenés dans des camps militaires de fortune, détenus dans des conditions épouvantables et régulièrement violés pendant des jours. Chacun a assisté au viol d’autres hommes ou garçons détenus avec eux, et deux des hommes ont été forcés de violer ou de commettre d’autres actes de violence sexuelle sur les autres détenus (voir ci-dessous). Des traitements similaires de personnes capturées par des groupes anti-Balaka à majorité chrétienne ou d’autres groupes d’autodéfense ont été documentés par les Nations Unies (voir ci-dessous).
Ces témoignages de viols concordent avec les informations fournies par des organisations humanitaires à l’ASP selon lesquelles les hommes survivants qu’ils rencontrent ont généralement été violés au niveau anal à l’aide d’un pénis ou d’objets tels que des bâtons ou des pistolets. Des cas de viols collectifs d’hommes et de garçons ont également été documentés. [53] Un autre enquêteur international expert en droits de l’homme a signalé une tendance à l’usage de la force pour contraindre des hommes à des rapports bucco-génitaux et à toucher les parties génitales d’autres personnes de sexe masculin. D’après son analyse, il s’agit d’une tactique délibérée afn d’humilier les victimes en les poussant à un rapport sexuel avec une personne du même sexe, ce qui, en raison des attitudes homophobes en RCA, pourrait s’avérer particulièrement stigmatisant et honteux pour les victimes. [54] L’ASP a également rassemblé des informations provenant de sources secondaires au sujet de cas de nudité forcée, de masturbation forcée et d’incidents au cours desquels des hommes ont vu leurs parties génitales frappées, mutilées et coupées (voir ci-dessous).
L’ASP a également été informé d’autres formes de violences auxquelles les hommes sont confrontés, notamment des incidents au cours desquels des femmes et des flles étaient directement victimes de violence sexuelle, mais auxquelles leurs proches de sexe masculin étaient forcés à assister. Dans certains cas, ces crimes semblent avoir été motivés par la volonté de punir des proches de sexe masculin.
HOMMES ET GARÇONS VICTIMES DE VIOLENCE SEXUELLE DANS LA BASSEKOTTO
Certains des récits de violence sexuelle à l’encontre de personnes de sexe masculin les plus détaillés sont la conséquence d’une vague de violence dans la préfecture de Basse-Kotto qui a entraîné des affrontements armés entre ex-Séléka et des groupes d’autodéfense en 2017. En septembre 2017, Amnesty International a déclaré s’être entretenu avec 25 femmes dont 20 avaient été violées et dont quasiment la totalité avait vu leurs proches de sexe masculin assassinés lors d’attaques de l’UPC dans la région, notamment dans la ville d’Alindao le 8 mai. L’une de ces femmes a décrit la manière dont son mari avait également été violé sous les yeux de leurs cinq enfants avant d’être tué. [55] Human Rights Watch a également reçu le témoignage de femmes ayant survécu à des viols dans la région de Basse-Kotto, dont une qui a décrit avoir assisté au viol et au meurtre de son mari par un homme qui semblait être un chef du groupe. [56]
Il ne s’agissait pas d’incidents isolés. La MINUSCA a informé l’ASP qu’elle avait vérifé examiné les cas de 10 hommes et d’un jeune homme de 17 ans victimes de violence sexuelle à Mobaye ou dans la région entre mai et septembre 2017. Certains de ces cas ont été détaillés dans le rapport fnal de décembre 2017 du Groupe d’experts au Comité des sanctions de l’ONU sur la RCA, qui a conclu que « des groupes d’autodéfense et des combattants de l’UPC se livraient à des actes de violences sexuelles, notamment à des viols, pour torturer les femmes aussi bien que les hommes » et que chacun de ces groupes avait « pris pour cible des personnes appartenant à des communautés religieuses ou ethniques associées à ses ennemis ». Les faits suivants font partie des incidents de violence sexuelle documentés par le Groupe d’experts :
- Suite à la prise de Mobaye par l’UPC entre le 18 et le 21 mai 2017, un homme a été détenu par des membres de l’UPC qui s’étaient rendus à son domicile pour lui demander de l’argent qu’il a été incapable de fournir. Selon ce témoignage, l’UPC soupçonnait cet homme d’avoir utilisé son argent pour soutenir des groupes d’autodéfense, c’est pourquoi il a été emmené au camp de l’UPC où il a été violé plusieurs fois pendant quatre jours;
- Le 28 mai, au cours d’une attaque de l’UPC sur la communauté rurale de Ngbougou, des résidents de sexe masculin ont été accusés collectivement d’être des « anti-Balaka » avant d’être battus et volés. Un survivant a déclaré avoir été victime d’un viol collectif par trois personnes et que trois autres hommes avaient été violés;
- Le 21 mai, un homme qui travaillait dans son champ à l’extérieur de la ville de Mobaye a été capturé et accusé d’espionnage par des membres d’un groupe d’autodéfense. Il a été attaché à un arbre et violé par des membres du groupe pendant trois jours;
- Un résident du village de Zamba (53 km à l’est de Mobaye) a été capturé avec un autre homme et deux femmes, au cours d’une attaque du village par des membres d’un groupe d’autodéfense. Tous quatre ont été détenus, frappés et violés plusieurs fois pendant environ une semaine. [57]
Les entretiens menés par l’ASP avec deux survivants de violences sexuelles de sexe masculin en BasseKotto fournissent un plus ample aperçu du traitement réservé aux hommes et aux garçons par les groupes armés et de la manière dont la violence sexuelle semble être utilisée afn de punir et d’humilier les victimes.
Jacques, [58] un homme d’affaires chrétien de Mobaye, a été agressé par des membres de l’UPC le 17 mai 2017 au cours d’attaques armées du groupe ex-Séléka sur la ville. Il a été emmené dans un camp de l’UPC proche de la ville en compagnie de neuf autres hommes. Selon Jacques, quatre des autres prisonniers ont été abattus quasiment immédiatement, alors que lui et les cinq autres survivants ont été victimes de viol et d’autres formes de violence sexuelle quotidiennement pendant une semaine. Jacques a affrmé à l’ASP qu’il avait été forcé à se déshabiller sous la menace d’une arme et avait été violé par jusqu’à trois personnes quotidiennement au cours de sa captivité et battu régulièrement, notamment sur son dos et ses reins. Il a également été contraint à des rapports bucco-génitaux avec ses ravisseurs ainsi qu’à se masturber devant eux. Il recevait parfois de la nourriture ou de l’eau s’il acceptait d’être violé. Jacques a expliqué que les menaces de violence étaient utilisées afn de les obliger à obtempérer : « Lorsqu’ils veulent abuser sexuellement de vous et que vous refusez, c’est là qu’ils vous disent « si tu refuses, je vais te tuer. Je vais brûler la maison de tes parents. Je vais faire souffrir tes parents.» Jacques a été relâché après une semaine avec ses codétenus et, après s’être caché pendant un certain temps, il s’est rendu à Bangui afn d’obtenir un traitement médical.
Au cours d’un incident précédent, le 25 février 2017, Théodore, [59] un fermier et pêcheur chrétien, père de quatre enfants vivant dans la région de Mingala, a été capturé lors d’une attaque menée par des forces de l’UPC. Theodore a été emmené en compagnie de 21 hommes adultes jusqu’à une base militaire avoisinante de l’UPC où il a été détenu environ une semaine dans une maison aménagée en prison, qui était gardée en permanence par six hommes armés. Théodore a décrit à l’ASP la manière dont il a été « violé plus de quatre fois » au cours de la semaine, à chaque fois par une personne alors qu’une autre regardait et montait la garde. Il a également été frappé au niveau du dos avec un fusil, forcé à boire sa propre urine et menacé de mort. Selon ses propres mots : « J’ai tout d’abord été maltraité, battu et affaibli. Après cinq jours de détention, je n’avais plus assez de force pour résister donc ils ont profté de mon impuissance et avaient des relations sexuelles avec moi comme avec une femme… Je ne pouvais pas du tout me défendre, car ces hommes armés avaient des fusils et m’avaient attaché. Ils me déshabillaient soudainement pour me violer… Lorsque cela arrivait, lorsque vous êtes dans cette position, attaché, penché en avant, avec la personne qui vient par derrière, quel contrôle avez-vous ?… J’avais l’impression d’être mort. Dieu merci, j’ai survécu ».
Théodore a également été obligé d’assister au viol d’autres détenus par leurs ravisseurs. Il a expliqué qu’« il y avait de nombreux incidents qui se sont passés dans la même pièce. Donc je ne peux pas compter le nombre de personnes qui ont été agressées. Il y avait aussi du sang sur le sol étant donné qu’il y avait également des cadavres ». Comme Jacques, Theodore s’est rendu à Bangui après sa libération afn de chercher un traitement médical pour ses blessures.
SURVIVANTS DE VIOLENCE SEXUELLE DE SEXE MASCULIN À KAGA BANDORO
Fin 2016, la violence a éclaté pour le contrôle de la ville de Kaga Bandoro, dans la préfecture de NanaGrébizi, entre des groupes ex-Séléka (FRPC et MPC) et des groupes anti-Balaka. Les civils ont subi des attaques de représailles régulières qui ont fait des dizaines de victimes, entraîné le déplacement forcé de milliers de personnes et la suspension temporaire d’actions humanitaires étant donné que le personnel humanitaire était également victime d’attaques à répétition. [60] Au moins 25 % des 1 685 cas de violence sexuelle documentés en RCA en 2016 par des agences humanitaires ont eu lieu à Kaga Bandoro. [61] La plupart des cas documentés impliquaient des femmes et des flles. Human Rights Watch a néanmoins signalé avoir reçu des informations fables au sujet du viol de deux hommes par des combattants exSéléka à Kaga Bandoro entre mars et mai 2017. [62]
L’ASP s’est entretenu avec Emmanuel [63], un survivant masculin originaire de Nana-Grébizi, qui a été capturé par des membres du MPC en avril 2017 au cours d’une attaque de son village situé à proximité de Kaga Bandoro. Le jour de l’attaque, Emmanuel est rentré du travail près d’une rivière voisine et a trouvé sa femme et ses enfants assassinés. Après avoir enterré sa famille, il a été capturé et battu avant d’être emmené dans une base militaire temporaire située dans la brousse. Il a donné des détails à l’ASP : « Ils m’ont attaché à un tronc d’arbre et m’ont soumis à des violences physiques, en m’accusant d’être un membre des anti-Balaka ». Les soldats lui ont dit « nous allons te tuer », et ont déclaré qu’ils voulaient « exterminer les chrétiens et les faire souffrir ».
Emmanuel a été détenu en compagnie de six hommes et d’un garçon qui avaient été capturés au même moment, tous chrétiens et âgés de 17 à 28 ans. Il a subi des viols à répétition, des agressions sexuelles et d’autres formes de violence physique pendant environ un mois de captivité environ. « Ils m’ont déshabillé et torturé jusqu’à ce que je n’aie plus de forces ». Ils l’ont frappé avec leurs armes avant de le violer. Il a ensuite été frappé au niveau des parties génitales. « Certains soldats s’amusaient avec mon pénis. Ils jouaient avec mon corps. » Selon Emmanuel, l’un des chefs du groupe avec le grade de colonel faisait partie de ceux ayant pris part aux viols et aux autres formes de violence. [64]
Parfois, Emmanuel a été violé par plusieurs personnes à tour de rôle et un bâton a été introduit dans son anus, provoquant tellement de douleur qu’il ne parvenait plus à dormir. Il a également été contraint à des rapports bucco-génitaux avec des membres des groupes armés et à des pénétrations anales avec les autres prisonniers. Emmanuel a également déclaré avoir assisté au viol des autres détenus et avoir vu des soldats flmer les actes à l’aide de leurs téléphones portables, ce qui peut amplifer la honte ressentie par les victimes. Ses tentatives de résistance se sont avérées inutiles puisqu’il a été frappé et abandonné inconscient lorsqu’il a tenté de s’y opposer. « Ils disaient qu’ils le faisaient pour nous dominer et nous faire peur », a-t-il déclaré. En outre, il a déclaré avoir assisté à la mort d’un jeune garçon qui était accusé d’appartenir aux anti-Balaka et qui a été contraint de boire de l’acide. Emmanuel est parvenu à s’enfuir en compagnie d’un autre détenu après avoir été envoyé ramasser du bois. Au total, il a été violé au moins une dizaine de fois.
Deux ans plus tôt, en 2014, Alexis, [65] un fermier chrétien, a été enlevé au cours d’une attaque armée menée sur son village dans les environs de Kaga Bandoro par des membres ex-Séléka. Il a été emmené dans un camp militaire avoisinant en compagnie de 15 autres personnes. Quatre des autres détenus ont été abattus sous ses yeux et Alexis et huit autres prisonniers ont été victimes de violence sexuelle au cours des 11 jours suivants. Il a expliqué avoir été ligoté et violé. Il a déclaré avoir été « quasiment tué » lorsqu’ils ont tenté de le pénétrer de manière anale avec un bâton et a expliqué que ses ravisseurs lui disaient parfois « si tu veux manger, tu dois coucher avec moi ». Il se souvenait que ses ravisseurs étaient régulièrement sous l’emprise de drogues et le menaçaient physiquement ainsi que sa famille. Il a également été contraint de toucher d’autres hommes sexuellement et d’avoir des rapports sexuels forcés avec un autre détenu.
VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES HOMMES ET DES GARÇONS À OBO ET DANS LES ENVIRONS
Des taux élevés de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons ont également été enregistrés dans la préfecture du Haut-Mbomou, à l’extrême sud-est de la RCA, à la frontière entre le Soudan du Sud et la RDC. À l’instar d’une grande partie de la RCA, la région a été trop longtemps négligée, mal administrée et laissée sans protection par les administrations qui se sont succédées. Sa situation géographique l’a rendue particulièrement vulnérable aux incursions de groupes armés étrangers, en particulier la LRA, qui s’est infltrée dans le pays en 2008. La présence de la LRA a non seulement modifé la dynamique de la région par rapport aux autres régions du pays, mais a également entraîné de l’insécurité et des violations des droits de l’homme. Depuis son arrivée, la LRA a mené de nombreuses attaques contre la population civile dans le Haut-Mbomou et les préfectures voisines, qui se sont soldées par des meurtres, des viols et des enlèvements, la destruction et le pillage de villages et le déplacement forcé de milliers de personnes. [66] Proftant du retrait des troupes américaines et ougandaises en 2017, d’autres groupes armés ont intensifé leurs activités dans la région. [67]
Les femmes et les enfants ont souvent été victimes des atrocités commises par la LRA en RCA ; nombre ont été enlevés et contraints à l’esclavage sexuel. [68] Il ressort des informations fournies à l’ASP par un travailleur social de COOPI, une ONG internationale qui apporte un soutien psychosocial et d’autres services sociaux aux victimes de la violence basée sur le genre à Obo, que les hommes et les garçons sont également victimes de violence sexuelle perpétrée par la LRA et d’autres groupes armés présents dans la région.
La même source a déclaré à l’ASP qu’entre janvier et octobre 2017, 86 hommes et 35 garçons se sont présentés comme des victimes de violence sexuelle dans ses bureaux d’Obo. Parmi eux, 62 hommes ont indiqué qu’ils avaient été maltraités par des groupes armés, dans la plupart des cas par la LRA, mais dans quelques cas par des groupes armés de la RCA. Sur les 35 garçons, 31 ont déclaré avoir été maltraités par des membres de groupes armés, principalement par la LRA. [69] Les attaques se sont produites dans des circonstances diverses. Dans le cas de la LRA, la violence sexuelle s’est généralement produite pendant que la victime était retenue captive par le groupe. Dans de tels cas, des hommes étaient détenus dans la région d’Obo ou, dans certains cas, ont été emmenés de l’autre côté de la frontière vers la RDC. Certains auraient été maltraités en présence d’autres personnes et parfois violés par plusieurs auteurs. Dans le cas des groupes armés de la RCA, les attaques ont généralement eu lieu lorsque des hommes ou des garçons travaillaient dans les champs.
Selon le travailleur social de COOPI les victimes masculines ont généralement été violées ou ont subi des mutilations génitales. La motivation de la violence n’était pas toujours claire. Certains croyaient qu’il s’agissait d’une forme de punition, mais dans d’autres cas, les victimes ont dit qu’elles ne voyaient aucune raison pouvant justifer la violence qu’elles avaient subie. La majorité des hommes et des garçons qui se présentaient pour solliciter de l’aide étaient âgés de 15 à 40 ans et seraient des chrétiens d’Obo et des environs, où ils constituent la communauté majoritaire. [70]
Les 121 hommes et garçons assistés par l’ONG internationale n’ont pas tous subi des violences sexuelles au cours de l’année 2017. Certains ont subi des violences au cours des années précédentes, mais ne les ont signalées qu’en 2017. Selon l’ONG internationale, les taux de signalement par les hommes ont augmenté de façon spectaculaire en 2017, ce qu’elle attribue aux activités de sensibilisation qu’elle a menées auprès des communautés et à son action auprès des réseaux de protection communautaires. Ces réseaux sont souvent le premier port d’escale pour les victimes et servent de pont entre elles et les prestataires de soins de santé et d’autres services. (Voir « Les normes et la réalité » ci-dessous).
LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES HOMMES ET DES GARÇONS DANS LE CONTEXTE DU COUP D’ÉTAT DE 2013
Dans un rapport publié en 2014, la Commission d’enquête internationale sur la République centrafricaine a constaté que des actes de violence sexuelle ont été largement commis dans le cadre d’un contexte plus large de violence sectaire par des éléments Séléka et anti-Balaka lors d’attaques armées et de perquisitions de domiciles à Bangui et ailleurs, en 2013 et 2014.[71] La grande majorité des incidents documentés par la Commission d’enquête, d’autres organes de l’ONU et des ONG internationales au cours de cette période concernent des femmes et des flles, bien que plusieurs cas de brutalité impliquant des hommes et des garçons aient également été enregistrés. Il s’agit notamment du cas d’un jeune homme qui a été détenu et violé par un combattant Séléka à Bangui en 2013, et du cas d’un homme, qui selon des témoins, a été pourchassé et abattu par des éléments Séléka en décembre 2013, avant que ses organes génitaux ne soient coupés par les auteurs. [72] Lors d’un incident dont un chercheur de Human Rights Watch a été témoin à Bangui en février 2014, des combattants anti-Balaka ont tué deux commerçants musulmans près de l’aéroport de Bangui et mutilé les corps, notamment en coupant le pénis de l’un d’entre eux et en l’insérant dans la bouche de la victime. [73]
Les participants aux groupes de discussion ont décrit des incidents similaires. Un travailleur humanitaire d’Obo a décrit une attaque dont il a été directement témoin à Bangui en septembre 2014, au cours de laquelle des membres d’un groupe armé ont ordonné à un jeune homme de se masturber en public. Suite à son refus, les combattants l’ont déshabillé et ont dans un premier temps essayé de le forcer à se suicider, avant de lui ordonner de couper son propre pénis. Finalement, les combattants lui ont coupé le pénis et l’ont laissé se vider de son sang jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le même participant au groupe de discussion a également évoqué d’autres incidents suite auxquels les corps d’hommes avaient été découverts avec un pénis sectionné dans la bouche. [74] Un autre participant a décrit un incident au cours duquel des combattants ex-Séléka ont capturé quatre hommes, leur ont coupé le pénis, les ont suspendus par les pieds à un arbre avant de les saigner et de recueillir le sang dans un récipient. Après avoir laissé les victimes se vider de leur sang, ils se sont « débarrassés » des cadavres, en conservant toutefois le sang comme trophée de guerre. [75]
Un chercheur d’une ONG nationale de défense des droits de l’homme a également rapporté un incident survenu à Bangui en 2014, au cours duquel un père a tenté d’intervenir pour empêcher des hommes armés d’un groupe Séléka d’agresser sexuellement son enfant. Selon le chercheur, les soldats maltraitaient un enfant de deux ans qui hurlait de douleur, mais lorsque le père de l’enfant a essayé de mettre fn aux mauvais traitements, ce dernier a été violé puis tué. [76]
LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES GARÇONS
Le rapport fnal de la Commission d’enquête internationale sur la République centrafricaine faisait référence à des allégations selon lesquelles des garçons associés à des groupes armés ont « parfois subi des sévices sexuellement en guise de punition ». Cependant, tout porte à croire que les organisations de défense des droits de l’homme et de protection de l’enfance n’ont pas effectué un suivi systématique de la possibilité que des garçons aient été victimes de violence sexuelle dans les rangs de groupes armés ou dans d’autres circonstances. Il est probable que ces acteurs ne disposent pas de l’expertise et de la capacité pour reconnaître et répondre aux cas de violence sexuelle impliquant des garçons.
Au cours de la période de cinq ans entre janvier 2011 et décembre 2015, seuls huit des 521 cas de violence sexuelle à l’égard des enfants vérifés par le mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les violations graves commises contre des enfants (MRM), dirigé par l’ONU, impliquaient des garçons. [77] En 2016, il n’y a pas eu de cas de violence sexuelle à l’égard des garçons vérifés par le MRM, contre 55 cas de violence sexuelle à l’égard des flles. [78] À la connaissance de l’ASP, un seul cas de violence sexuelle à l’égard d’un garçon a été vérifé par le MRM en 2017 ; il s’agit du cas d’un garçon de 17 ans qui a été violé lors d’une attaque par des éléments de l’UPC sur Mobaye. [79]
Bien que les données sur la prévalence soient incomplètes, les informations sur 31 garçons qui ont subi des violences sexuelles liées au confit dans la région d’Obo suggèrent que les chiffres pourraient être plus élevés que les estimations. (Voir « Violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons à Obo et dans les environs », ci-dessus.)
L’ASP a reçu d’autres informations faisant état de la vulnérabilité des garçons à la violence sexuelle. Cela inclut le témoignage d’Emmanuel, qui a déclaré à ASP qu’il a été témoin du viol d’un de ses compagnons, âgé de 17 ans, par des éléments du MPC (voir « Victimes masculines de la violence sexuelle de Kaga Bandoro » ci-dessus). Dans un autre cas, une ONG internationale britannique de défense des droits de l’enfant qui s’occupe des enfants affectés par le confit a rapporté à l’ASP qu’un garçon de 14 ans avait été violé par un membre d’un groupe armé à Kouango, dans la préfecture de Ouaka, le 2 août 2017. D’après les informations limitées dont nous disposons, il s’agirait d’une attaque opportuniste qui a eu lieu alors que le garçon était allé rendre visite à un ami. Il a été référé à l’hôpital de Kouango pour le traitement de ses blessures physiques et un soutien psychosocial lui a également été fourni. [80]
Une autre ONG internationale travaillant avec des enfants associés aux forces armées et aux groupes armés a signalé plusieurs cas chaque mois de garçons ayant subi des actes de violence sexuelle, y compris d’anciens enfants soldats. [81] Cependant, elle a reconnu qu’il est plus diffcile pour les garçons que pour les flles de révéler ce qui leur est arrivé, en partie à cause des tabous entourant la question, mais aussi parce que le personnel humanitaire est rarement formé pour reconnaître les garçons victimes de violence sexuelle. [82]
Des milliers d’enfants ont été illégalement recrutés et utilisés dans des confits en RCA. [83] L’UNICEF a indiqué que la libération de 3 066 enfants associés aux forces armées et aux groupes armés avait été obtenue en 2017. [84] Lors de leur libération, les enfants sont interrogés individuellement par des agents de protection de l’enfance avant d’être remis à leur famille ou, lorsque les familles ne peuvent être localisées, placés dans des foyers d’accueil. Les experts en protection de l’enfance avec lesquels l’ASP s’est entretenu ont expliqué qu’au cours de ces entretiens, les flles révèlent souvent leur expérience de viol ou d’autres formes de violences sexuelles, mais qu’il est beaucoup moins fréquent que les garçons le fassent. Le processus de dépistage de la violence sexuelle est axé sur les flles, et la manière dont les entretiens sont menés n’encourage pas les garçons à signaler les cas de violence sexuelle. Dans le cas des flles, on suppose qu’elles sont susceptibles d’avoir été victimes de violence sexuelle alors qu’elles étaient associées à un groupe armé, et bien que la question ne soit pas posée directement, les entretiens sont menés de telle sorte que les flles sont encouragées et soutenues pour parler de telles expériences. Dans le cas des garçons, le processus d’entretien ne comprend pas de questions qui les incitent à révéler la violence sexuelle. [85]
Selon un expert de la protection de l’enfance de l’UNICEF en RCA, « les enfants associés à des groupes armés font l’objet d’un dépistage dans le cadre du processus de vérifcation, mais l’accent n’est pas mis sur les abus sexuels des garçons et, par conséquent, les prestataires de services n’enregistrent pas de cas. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de cas, mais les partenaires ne les identifent pas et ne les signalent pas » .[86] Toutefois, le fonctionnaire a également reconnu que les partenaires ne sont pas suffsamment formés pour recueillir et fournir des informations sur les garçons victimes de violence sexuelle et ne sont pas formés pour identifer les cas. [87] Le même fonctionnaire a également déclaré à l’ASP que : « la raison principale qui explique le faible nombre de garçons est qu’ils ne sont pas dépistés et identifés. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de cas. Nous ne posons pas la question. » [88]
Le manque de données sur les garçons peut également être lié à un manque de clarté en ce qui concerne la défnition de la violence sexuelle liée aux confits. Par exemple, la MINUSCA a signalé un incident en septembre 2015 au cours duquel 15 garçons ont été circoncis de force alors qu’ils étaient détenus par des éléments anti-Balaka à Boali. [89] L’affaire ne fgure pas dans les rapports MRM sur la violence sexuelle, qui ne rend pas non plus compte des incidents où les enfants sont forcés d’assister au viol de leurs parents ou d’autres membres de leur famille ou à d’autres formes de violence sexuelle. La nature sexuelle de ces crimes n’est pas toujours claire, mais certains experts, y compris le Centre international pour la justice transitionnelle (CITJ), ont fait valoir que la circoncision forcée dans d’autres contextes devrait être classée dans la catégorie des violences sexuelles.[90] De même, le fait d’être forcé d’assister au viol d’une autre personne peut en soi être considéré comme une forme d’abus sexuel et peut équivaloir à la torture ou à d’autres mauvais traitements. [91] Sur la base de la documentation d’ONG internationales, cette pratique semble être courante en RCA. Dans certains cas, des garçons ont été abattus pour avoir tenté de protéger leurs parents contre des violeurs ou ont été recrutés de force après avoir été témoins du viol de leur mère. [92]
VIOLENCES SEXUELLES COMMISES PAR LES FORCES DE MAINTIEN DE LA PAIX
La majorité des cas connus de violence sexuelle à l’égard des garçons sont attribués à des groupes armés autres que l’armée régulière. Toutefois, des allégations selon lesquelles des troupes internationales participant à des opérations de maintien de la paix auraient abusé sexuellement de garçons en échange de nourriture ou d’argent ont été formulées au début de l’année 2014. Depuis lors, de nombreux autres cas d’exploitation ou d’abus sexuels commis par des membres des troupes de maintien de la paix, des membres du personnel de l’ONU et des entités associées en RCA ont été documentés. [93] La grande majorité de ces cas concernent des femmes et des flles, mais les garçons font également partie des victimes.
Les incidents de 2014 impliquaient principalement des troupes françaises de la Force Sangaris, bien que des soldats du Tchad et de la Guinée équatoriale de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) aient également été impliqués. Selon les enquêtes des Nations Unies qui ont suivi, les abus ont eu lieu entre décembre 2013 et juin 2014 près d’un camp de déplacés internes à Bangui et impliquaient un certain nombre de garçons. Les abus ont été jugés d’une telle gravité qu’un groupe indépendant chargé d’examiner la réponse de l’ONU a conclu que les actes relevaient des défnitions de la violence sexuelle liée aux confits armés et des violations graves envers des enfants. Le groupe indépendant a également noté que si l’ONU avait donné suite aux allégations lorsqu’elles avaient été signalées pour la première fois en 2014, d’autres cas similaires auraient pu être découverts ou empêchés. [94]
Malgré les efforts de l’ONU pour éradiquer l’exploitation et les abus sexuels des populations locales par ses forces de maintien de la paix et d’autres membres de son personnel, des cas ont continué à être enregistrés en RCA. En 2016, les cas d’exploitation et d’abus sexuels documentés par la MINUSCA représentaient la moitié des allégations dans toutes les missions de terrain de l’ONU. Cependant, 65 % des allégations enregistrées en 2016 par la MINUSCA concernaient des incidents survenus en 2015 ou avant. [95] En février 2018, l’UNICEF a informé l’ASP qu’elle avait enregistré un total de 282 cas d’exploitation et d’abus sexuels qui auraient été commis par les forces internationales et les acteurs humanitaires en RCA depuis 2014. Sur ce nombre, 206 cas concernaient des mineurs (169 flles et 37 garçons). [96]
PERCEPTIONS DE LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES HOMMES ET DES GARÇONS ET IMPACT SUR LES SURVIVANTS
« Quand c’est l’homme qui est la victime, c’est comme si un roi était tombé de son trône ». [97]
Le Secrétaire général de l’ONU décrit la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons en RCA comme un sujet « entouré d’un lourd tabou culturel ». [98] Selon un fonctionnaire de l’UNICEF, « le tabou pour les victimes masculines est énorme ; il est très rare qu’un homme ou un garçon vous dise qu’il a été victime de violence sexuelle. Les prestataires de service demandent rarement à cause du tabou. » [99]
Lors d’entretiens avec des informateurs clés et des groupes de discussion, l’ASP a constaté que les attitudes vis-à-vis de la violence sexuelle à l’égard des hommes variaient entre le manque de sensibilisation, le rejet, le déni et la confusion. Plusieurs informateurs clés, y compris des dirigeants communautaires, étaient convaincus qu’il n’existait pas de cas de violence sexuelle à l’égard des hommes dans leur communauté. Environ trois quarts des participants aux groupes de discussion ont déclaré qu’il s’agissait d’un sujet tabou qui ne peut être discuté. Les travailleurs humanitaires ont décrit la stigmatisation associée à la violence sexuelle masculine ; l’un d’entre eux a expliqué comment les gens « rient souvent comme des fous » quand ils en entendent parler. « Ils trouvent cela drôle. Ils ne peuvent pas imaginer qu’un homme puisse être violé.» [100] De telles attitudes traduisent également le manque de connaissance et de compréhension de la victimisation masculine qui prévaut au sein des communautés.
Parmi les nombreux participants aux groupes de discussion et certains informateurs clés, le terme « viol » était compris comme impliquant des hommes en tant qu’auteurs et des femmes en position de victimes. Dans la mesure où la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons est comprise ou reconnue, elle est perçue comme une honte et un signe de faiblesse. Les informateurs clés et les participants aux groupes de discussion étaient généralement d’avis qu’il serait extrêmement honteux pour la personne, sa famille et sa communauté d’admettre qu’elle a subi des violences sexuelles. Un fonctionnaire du gouvernement local à Obo s’est exprimé en ces termes: « nous considérons que les [victimes masculines] sont vraiment souillées et déshonorées ». [101] Un chef de quartier d’Obo a également expliqué que nombre de victimes masculines qui sont venues le voir avaient honte et s’inquiétaient que les gens ne découvrent ce qui leur est arrivé. Selon ses propos, ils craignent que « les gens le haïssent et se moquent de lui. Il sera considéré comme faible [et blâmé et rejeté] par les membres de la communauté ». [102]
Les attitudes sociales à l’égard de l’homosexualité et la crainte d’être perçu comme homosexuel peuvent aggraver la stigmatisation et la honte, ce qui constitue un obstacle supplémentaire au signalement de la violence sexuelle. L’ASP n’a trouvé aucune preuve suggérant que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre contribue au risque de violence sexuelle liée au confit à l’égard des hommes et des garçons, mais étant donné la nature stigmatisée de l’homosexualité en RCA, l’orientation sexuelle des victimes peut être cachée. [103] Parmi les travailleurs humanitaires, il subsiste une confusion (qui n’est pas propre à la RCA) sur la nature de la violence sexuelle à l’égard les hommes et ses motivations. Par exemple, un travailleur d’une ONG nationale, spécialiste de la violence basée sur le genre, a assuré à l’ASP que les auteurs masculins de viols contre d’autres hommes sont homosexuels et que les auteurs proftent du non respect des lois en RCA pour commettre des actes homosexuels contre d’autres hommes. [104]
Face à de telles attitudes, les victimes masculines peuvent choisir le silence plutôt que le risque d’être rejetés par leur famille et leur communauté. Comme l’a expliqué un spécialiste en violence basée sur le genre d’une ONG médicale internationale, on considère que les hommes et les garçons victimes de violence sexuelle ont souillé le nom de la communauté et ils sont souvent obligés de s’exiler. [105] D’autres informateurs clés et participants aux groupes de discussion déclarent que les victimes masculines se retrouveraient abandonnées par leurs amis et leur famille. [106] Selon un participant à un groupe de discussion à Obo, la communauté locale « pousserait la personne à quitter la région » à cause de la honte qu’elle cause à la famille. [107] Selon un autre : « généralement, les hommes victimes de violence sexuelle gardent le silence pour éviter que l’histoire ne s’ébruite ». [108] D’autres ont évoqué des cas de suicides chez les victimes de sexe masculin. Bien que l’ASP n’ait pas connaissance de cas spécifques, la pression exercée sur les victimes masculines conduisant au suicide était un thème récurrent. Comme l’a affrmé un participant au groupe de discussion à Bangui : « généralement, les hommes disent qu’ils préfèrent être tués plutôt que d’être sodomisés. Les gens disent que si vous êtes sodomisé, vous perdez toute votre valeur et votre dignité ». [109]
L’expérience des quatre victimes masculines interrogées par l’ASP illustre la façon dont ces attitudes se manifestent dans la pratique. Tous les quatre ont évoqué leur humiliation et leur sentiment d’être émasculé. Emmanuel confe avoir « perdu le goût de vivre » et souhaite tout simplement mourir. Lorsque l’ASP l’a rencontré, il n’avait pas demandé de soins médicaux alors qu’il souffrait de douleurs à l’estomac, à l’abdomen et à l’anus après avoir été violé. Il a également déclaré qu’il y avait du sang dans son urine, qu’il souffrait de troubles sexuels et qu’il avait peur d’avoir contracté des maladies sexuellement transmissibles. Emmanuel a déclaré qu’il aimerait bien se rendre à l’hôpital, mais qu’il craignait d’être « condamné » par le personnel de santé. [110]
Alexis, qui a été violé pendant 11 jours en 2014 par des éléments de l’UPC, a déclaré qu’il n’avait jamais raconté à personne d’autre que l’ASP ce qui lui était arrivé, même pas à sa femme ni à ses enfants, parce que « c’est un sujet tabou », a-t-il expliqué. Cela le fait sentir isolé et incapable de solliciter de l’aide.
Théodore et Jacques (qui ont été victimes de violence sexuelle en mai et février 2017, respectivement) ont déclaré qu’ils rencontraient des problèmes avec leur famille à la suite de leur expérience. Dans le cas de Théodore, quand sa femme a appris qu’il avait été violé, cela a créé « des problèmes entre eux » et semé le « désordre dans ma famille ». Il s’est fait soigner à l’Hôpital communautaire de Bangui, mais bien qu’il ait suivi un traitement, il n’a pas révélé aux médecins ce qui lui était arrivé. Il s’est confé à l’ASP en ces termes : « aucun homme ne devrait subir cela, alors pour moi, c’est tabou. Personnellement, je ne voulais pas parler de ce qui m’est arrivé. »
Jacques a également bénéfcié d’un traitement depuis son arrivée à Bangui, mais il a déclaré à l’ASP que sa femme l’avait quitté parce qu’il n’était plus capable d’avoir des relations sexuelles normales après son expérience. Forcé de quitter sa ville natale de Mobaye où se trouvait l’entreprise qui l’employait, il n’est plus en mesure de gagner sa vie. À l’instar de nombres d’autres victimes, il ne veut pas que les gens sachent ce qui lui est arrivé. « Si je n’en parle pas aux autres », explique-t-il, « c’est parce que j’ai peur qu’on se moque de moi ou qu’on me stigmatise. »
Bien que les recherches de l’ASP n’aient pas porté sur les conséquences et l’impact à long terme de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons sur les familles et les communautés, il est urgent de reconnaître, d’explorer et d’aborder ces aspects en fournissant aux survivants, à leurs familles et à la communauté un soutien approprié, y compris en matière de santé mentale et de soutien psychosocial.
PRÉVENIR LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES HOMMES ET DES GARÇONS ET Y RÉPONDRE
La RCA est partie aux traités internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme qui l’obligent à prendre des mesures pour prévenir la violence sexuelle et, le cas échéant, offrir des services appropriés aux survivants et garantir leur droit à un recours, y compris en amenant les auteurs d’actes de violence à répondre devant la justice. Le viol et les autres formes de violence sexuelle sont également interdits par la législation nationale et le droit à réparation pour les victimes est garanti par la Constitution. [111] Cependant, il existe un décalage énorme entre le droit et la pratique. Là où des mesures de prévention et de réponse à la violence sexuelle ont été mises en place, elles se concentrent principalement sur les femmes et les flles, ignorant largement les hommes et les garçons, et dans certains cas, les excluant.
OBLIGATIONS DU GOUVERNEMENT DE LA RCA DÉCOULANT DU DROIT INTERNATIONAL ET DU CADRE JURIDIQUE NATIONAL
Le viol et les autres formes de violence sexuelle peuvent constituer une violation des règles du droit international humanitaire. L’article 3 commun aux Conventions de Genève interdit « les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle », notamment les « traitements cruels, tortures et supplices » ainsi que « les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ». Le viol et les autres formes de violence sexuelle font partie de ces actes. Le Protocole additionnel II aux Conventions de Genève, qui s’applique dans les situations de confits armés non internationaux, interdit le viol et l’attentat à la pudeur. [112]
La RCA a ratifé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) le 3 octobre 2001. En vertu du Statut, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité comprennent le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle d’une gravité comparable. [113]
La RCA a également ratifé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. En vertu de ces traités, le viol et les autres formes de violence sexuelle doivent être prévenus et les États sont tenus de prendre des mesures pour respecter et protéger les individus dans leur juridiction contre de tels actes. [114] Le droit international et les normes internationales exigent également que le gouvernement assure des services de santé de qualité au proft des victimes de violence sexuelle, y compris les soins médicaux et psychologiques, et fournisse des services juridiques et sociaux, dans le cadre de l’obligation plus large de garantir recours et réparations aux victimes de violations fagrantes des droits fondamentaux. [115]
Au niveau national, le Code pénal centrafricain de 2010 est adéquatement inclusif du point de vue du genre dans la mesure où il pénalise le viol (défni en son article 87 comme « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise »). L’article 86 érige en infraction pénale l’« attentat à la pudeur » à l’égard d’un enfant « de l’un ou de l’autre sexe », avec ou sans violence, tandis que l’article 87 prévoit que « tout attentat à la pudeur consommé ou tenté sur la personne d’un enfant de moins de quinze ans, de l’un ou de l’autre sexe est qualifé de viol ». Le Code pénal intègre des dispositions sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, y compris l’esclavage sexuel, le viol, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée et d’autres formes de violence sexuelle d’un niveau similaire (articles 153 à 157). Cela est globalement conforme aux obligations de la RCA en vertu des Conventions de Genève et du Statut de Rome. [116]
Ces crimes s’appliquent indifféremment aux deux genres et permettraient en théorie de poursuivre les auteurs de viols et d’autres formes de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons dans les confits armés. Le droit national ne pénalise pas les relations sexuelles consensuelles entre personnes du même sexe.
STRATÉGIE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LA VIOLENCE BASÉE SUR LE GENRE
La Stratégie nationale de lutte contre la violence basée sur le genre en République centrafricaine pour 2018-2021 est au cœur des efforts visant à combler le fossé entre le droit et la pratique. [117] Cette stratégie triennale, qui est actuellement à l’état d’ébauche, est destinée à fournir le cadre de politique pour toutes les interventions visant à prévenir et à répondre à la violence basée sur le genre. Elle décrit également les mesures visant à obtenir une réponse intégrée et une coordination plus étroite de la part du gouvernement, de l’ONU, des ONG internationales et des autres parties prenantes non gouvernementales dans tous les domaines, y compris la collecte de données, la fourniture de services aux survivants, l’accès des victimes à la justice, la sensibilisation et l’implication de la communauté, la réforme juridique, le renforcement des capacités institutionnelles et la formation.
Le projet de plan défnit des actions détaillées visant à atteindre l’objectif ambitieux de « tolérance zéro » à la violence basée sur le genre en RCA d’ici 2021. Si elles sont mises en œuvre, les actions proposées profteront à toutes les victimes de violence sexuelle. Cependant, la version préliminaire que l’ASP a pu consulter se consacre avant tout à la vulnérabilité des femmes et des flles à la violence sexuelle et basée sur le genre et à répondre aux besoins des femmes et des flles qui y ont survécu. Pour que la stratégie nationale soit pleinement effcace, elle doit également reconnaître et répondre aux facteurs de vulnérabilités des hommes et des garçons et prévoir des mesures qui incluent explicitement les hommes et les garçons dans les réponses. [118]
Les sections suivantes exposent certaines des considérations qui devraient être prises en compte dans la stratégie nationale et dans d’autres interventions pour garantir le respect et la protection des droits fondamentaux de tous les Centrafricains.
Lignes directrices de l’OMS sur la prise en charge médicale des hommes adultes victimes de violence sexuelle En ce qui concerne l’examen physique et les interventions médicales : · Les survivants hommes de violence sexuelle devraient être triés de la même manière que les survivants femmes ; · Les mêmes procédures pour l’obtention du consentement, la prise d’antécédents médicaux, la conduite de l’examen physique (bien que l’examen génital soit différent) et la commande de tests de diagnostic en laboratoire devraient être suivies. C’est-à-dire, effectuer un examen physique détaillé de la tête aux pieds à la recherche de tout signe de blessure ; · Effectuer un examen approfondi de la région génito-anale ; · Traiter toute blessure (y compris le traitement des IST, de l’hépatite B et du tétanos). Les hommes ont besoin d’être informés et d’avoir accès à un test de dépistage du VIH et à l’option de prophylaxie post-exposition, le cas échéant. Les hommes doivent également recevoir des soins de suivi pour la cicatrisation des plaies, tout traitement prescrit (y compris pour les IST), la prise de médicaments et des conseils. |
DES SERVICES DE SANTÉ ET DE SOUTIEN PSYCHOSOCIAL POUR LES HOMMES SURVIVANTS DE VIOLENCE SEXUELLE
La violence sexuelle peut avoir des conséquences physiques, sexuelles, psychologiques et sociales graves et préjudiciables à court et à long terme pour les survivants. Les survivants masculins peuvent souffrir de diverses blessures physiques, tant génitales que non génitales. Toutes les victimes de viol sont exposées à un risque accru d’infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH, et peuvent également souffrir d’incontinence, de traumatismes génitaux et rectaux, de fstules et de fssures, d’altération et de détérioration de la capacité de reproduction ou de dysfonction sexuelle. [119] L’impact de la violence sexuelle sur la santé mentale des survivants peut être grave et comprendre des sentiments de culpabilité, de honte, de colère, le stress post-traumatique, l’anxiété et des idées suicidaires. Certaines victimes peuvent également éprouver de la confusion au sujet de leur orientation sexuelle après avoir subi des violences sexuelles.
Il existe de multiples normes et lignes directrices sur les soins et le soutien aux survivants de violence sexuelle. Pour la plupart, ils tiennent compte des particularités de chaque genre et fournissent des directives détaillées à l’intention des prestataires de services de l’État et des ONG qui participent à la prestation de soins aux survivants. Cependant, la plupart de ces outils se concentrent spécifquement sur les femmes et les flles et il est nécessaire de les adapter pour répondre spécifquement aux besoins des hommes et des garçons.
Les lignes directrices « Travailler avec les hommes et les garçons survivants de violence sexuelle et basée sur le genre dans les situations de déplacement forcé » du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) donne un aperçu des principes de base relatifs à l’inclusion des hommes et des garçons dans la conception et l’exécution des programmes de lutte contre la violence sexuelle et basée sur le genre.
Elles encouragent l’intégration des hommes et des garçons dans la conception et la mise en œuvre de toutes les initiatives de prévention et d’intervention et assurent leur inclusion dans les stratégies, les programmes, les procédures opérationnelles standards et le fnancement. Elles soulignent également l’importance d’une formation approfondie du personnel humanitaire à la compréhension inclusive de la violence sexuelle et basée sur le genre et de veiller à ce que les communautés soient informées et sensibilisées à la possibilité que les hommes et les garçons soient victimes de violence sexuelle. [120]
Conformément à ces normes, toutes les victimes devraient avoir accès à des services de santé de qualité, gratuits et confdentiels, disponibles 24 heures sur 24. Les soins médicaux d’urgence pour les victimes devraient inclure la prophylaxie post-exposition pour prévenir la transmission du VIH et la référence vers des services de dépistage, de prévention et de conseil en cas de besoin; [121] un examen physique et génito-anal complet; la prévention et le traitement des IST, de l’hépatite et du tétanos ; le traitement des blessures et le traitement et le référencement pour les complications potentiellement mortelles et les soins chirurgicaux. [122] Un soutien psychosocial doit leur être fourni pour prévenir et atténuer les impacts de la violence sexuelle sur la santé mentale, qui peuvent être tout aussi préjudiciables que les dommages physiques et durer plus longtemps. [123] La possibilité d’étendre le soutien psychologique individuel à des personnes de soutien telles que les conjoints, d’autres membres de la famille ou les familles d’accueil, devrait être envisagée afn de maximiser le soutien à la personne directement affectée, ainsi qu’aux personnes indirectement affectées telles que les témoins. [124] Un soutien aux moyens de subsistance peut également être nécessaire dans certains cas, sous la forme par exemple d’un revenu à court terme, d’une aide au logement et d’une aide à plus long terme pour rétablir la capacité à gagner sa vie. [125] En cas de besoin, un logement sûr devrait être fourni, et dans les cas impliquant des mineurs, des mesures de recherche de la famille ou des solutions alternatives devraient être mises en place.
Des soins de qualité centrés sur la personne [126] devraient être fournis de manière équitable et non discriminatoire, en fonction des besoins identifables et indépendamment du genre, de l’âge, de l’appartenance ethnique, de la religion, de l’orientation sexuelle, de l’identité sexuelle, des capacités, de la séropositivité, du statut socioéconomique et de la situation géographique. [127] Il est recommandé d’adopter une approche multidimensionnelle qui examine les facteurs de vulnérabilité découlant de multiples aspects de l’identité d’une personne et d’y apporter des solutions. Dans le cas des enfants, il est de la plus haute importance de veiller à leur intérêt supérieur en promouvant et en assurant leur sécurité, tout comme l’obtention d’un consentement éclairé qui tienne compte du développement des capacités des mineurs et fournisse des informations appropriées à leur âge afn de permettre un choix informé. [128]
Plus précisément, en ce qui concerne les hommes et les garçons, les services et programmes humanitaires et publics devraient être inclusifs et avoir la capacité et la compétence nécessaires pour répondre aux besoins spécifques des survivants masculins. [129] Dans certains cas, les programmes en cours devront être adaptés. Dans d’autres, il faudra développer des services ciblés sur les hommes ainsi que des circuits de référencement spécifques vers des prestataires de services compétents et empathiques pour un soutien complémentaire. Dans un cas comme dans l’autre, des fonds supplémentaires doivent être mis à disposition afn de ne pas drainer les ressources des services dont les femmes et les flles ont un besoin urgent.
Les soins médicaux et les services de santé mentale et de soutien psychosocial (MHPSS) devraient être élaborés de manière à permettre à touts les survivants d’y accéder. Notamment, cela est possible en veillant à ce que des espaces sûrs et confdentiels soient en place et facilitent la parole et l’accès au traitement. Cela est également réalisable par la création de points d’entrée discrets aux établissements et des systèmes de référencement qui permettent aux survivants d’avoir accès aux soins en toute confdentialité, sans qu’il soit nécessaire de divulguer les informations à de multiples membres du personnel.
Du personnel féminin et masculin devrait être disponible pour permettre aux survivants de choisir qui les recevra et les examinera. Le personnel devrait être formé pour comprendre les normes gouvernant les rapports entre les hommes et les femmes spécifques au contexte et la façon de mener l’entretien ainsi que d’examiner avec sensibilité les victimes masculines, y compris les garçons. Le personnel devrait également être formé pour identifer en amont les indicateurs physiques et comportementaux des survivants masculins de violence sexuelle. [130] Ces approches devraient être intégrées autant que possible dans des systèmes plus larges (par exemple, les mécanismes de soutien communautaire existants, les systèmes scolaires formels et non formels, les services généraux de santé, les services de santé mentale, les services sociaux, etc.), car ils ont tendance à toucher un plus grand nombre de personnes et sont souvent plus durables et moins stigmatisants. [131]
Les normes et la réalité
Touts les survivants de violence sexuelle en RCA font face à d’énormes diffcultés d’accès aux soins et au soutien. Les raisons en sont notamment : le manque de services publics adéquats ; les coûts prohibitifs ; l’insécurité qui peut interrompre les services ou empêcher les gens de se rendre là où ils sont fournis [132] et la stigmatisation qui empêche les victimes de révéler les abus. [133] Pour les hommes et les garçons, le fait d’être plus susceptibles d’être perçus comme des auteurs plutôt que comme des victimes crée des obstacles supplémentaires au signalement ou à la recherche de soins.
Les services publics étant limités, une grande partie du travail de prévention et de réponse à la violence sexuelle est effectuée par des organisations humanitaires nationales et internationales. De nombreux travailleurs humanitaires auxquels l’ASP a parlé ont reconnu la faiblesse que constitue le manque d’attention accordée aux hommes et aux garçons dans la programmation des opérations humanitaires. Comme évoqué précédemment, certains signes indiquent que la situation est en train de changer, mais l’ASP a également constaté une certaine résistance chez certains et une crainte que l’attention accrue accordée aux hommes et aux garçons ne détourne l’attention et les fonds des programmes d’aide aux femmes et aux flles.
Il existe des exemples d’organismes incluant des hommes et des garçons dans la conception et la mise en œuvre des programmes. Cependant, cela ne représente pas une approche systématique ou coordonnée au sein de la communauté humanitaire en RCA. Par exemple, les membres du souscluster VBG ont reconnu lors de réunions avec l’ASP que la stratégie du sous-cluster, qui en principe est inclusive du point de vue du genre, se concentre dans la pratique principalement sur les femmes et les flles en termes de prestation de services. [134] De même, les procédures opérationnelles standards pour la prévention et la réponse à la violence basée sur le genre convenues par le gouvernement, l’ONU et les ONG internationales et nationales ne comprennent que des lignes directrices limitées sur la prise en charge clinique des victimes masculines, se concentrant presque exclusivement sur les femmes et les enfants.
Avec tant de besoins concurrents et des taux aussi élevés de violence sexuelle à l’égard des femmes et des flles, les ressources sont déjà insuffsantes et les prestataires de services humanitaires se voient obligés d’établir des priorités. Si l’on souhaite que les hommes et les garçons soient intégrés dans les programmes de prévention et de réponse à la violence sexuelle sans toutefois porter préjudice aux femmes et aux flles, une stratégie intégrée devra être formulée et dotée de ressources adéquates. Les prestataires de services auront besoin d’une formation spécialisée pour améliorer l’identifcation afn de fournir des soins, y compris selon des approches spécifques qui conviennent le mieux aux survivants masculins. Il est essentiel que ce débat ne donne pas lieu à un discours contre-productif du type « hommes contre femmes ». Bien au contraire, une approche unie qui insiste sur des fonds adéquats pour touts les survivants est nécessaire, afn de répondre à leurs besoins avec une approche centrée sur la personne.
L’ASP a constaté que les prestataires de services humanitaires avaient généralement un niveau d’expertise faible en matière de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons. La grande majorité des organisations humanitaires rencontrées par l’ASP ont reconnu que leur personnel n’avait pas suivi de formation détaillée sur la manière de détecter la violence sexuelle à l’égard des hommes et d’y répondre. Dans un cas, une organisation humanitaire travaillant avec les populations touchées par le confit a admis n’avoir fourni aucune formation sur la violence sexuelle masculine à son personnel.
Inévitablement, ce manque d’expertise se manifeste dans la manière dont les programmes sont conçus et mis en œuvre. La plupart des organisations avec lesquelles l’ASP s’est entretenu ont déclaré qu’elles mentionnent la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons dans leurs activités de sensibilisation ; toutefois, elles ont expliqué que ces activités sont principalement axées sur les femmes et les flles. [135] Il est également apparu que les matériels de communication et d’information sur la violence sexuelle et la manière d’accéder au soutien renforcent souvent les stéréotypes existants. [136] Sur la base des documents consultés par l’ASP, les affches et les supports audiovisuels utilisent généralement des images de victimes de genre féminin. S’il arrive aux hommes d’être représentés, c’est généralement en tant qu’auteurs et non en tant que victimes de violences sexuelles. Bien que certaines images sans distinction de genre soient également utilisées, elles peuvent s’avérer insuffsantes pour signaler aux survivants masculins qu’ils sont les bienvenus, surtout si l’on tient compte des idées reçues concernant le genre et la victimisation.
Dans ce contexte, il existe également des exemples positifs d’activités de sensibilisation auprès des hommes et des garçons ainsi que de structures conçues de manière à rendre les services accessibles à ces derniers. L’un des principaux prestataires de services de soutien médical et psychosocial aux victimes de confits en RCA, par exemple, a déclaré que le nombre de cas de violence sexuelle à l’égard des hommes et des femmes qui leur ont été signalés a augmenté de 500 % suite à une campagne de sensibilisation menée en 2017 dans une grande ville. La campagne visait à mieux faire comprendre aux populations locales les différents types de violence, y compris la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons, et les services qui sont offerts pour soutenir les survivants. [137]
Un autre prestataire a décrit comment ses programmes renforcent la sensibilisation de la communauté à la violence sexuelle contre les hommes et les garçons, ce qui a permis d’augmenter le nombre d’hommes et de garçons qui ont eu accès à leurs services, qui est passé de seulement 13 en 2016 à 121 de janvier à octobre 2017. L’organisation a expliqué qu’elle a renforcé les activités de sensibilisation auprès de la communauté et a cherché à les rendre inclusives, y compris en organisant des discussions de groupe réservées aux hommes. Dans le même temps, elle a renforcé ses activités de sensibilisation auprès des mécanismes de protection communautaires tels que les comités d’accueil (associations communautaires locales chargées d’accueillir les personnes déplacées et d’évaluer leurs besoins), les carrefours communautaires (lieux de rassemblement communautaire où les gens et les conseillers psychosociaux peuvent parler aux survivants masculins dans un cadre non stigmatisant) et les relais communautaires (qui servent de « pont » entre les communautés et les centres de santé). [138]
La même organisation a également cherché à rendre ses « centres d’écoute », où elle fournit un soutien psychosocial aux survivants de violence basée sur le genre, beaucoup plus accessibles tant aux survivants masculins que féminins. À Obo, par exemple, on compte sept centres d’écoute à différents endroits de la ville afn de réduire la distance à parcourir et les problèmes de sécurité connexes pour ceux qui veulent y accéder. Les centres ont du personnel féminin et masculin, ce qui permet aux survivants de choisir à qui elles/ils préfèrent s’adresser. Des formations sur les activités génératrices de revenus telles que la fabrication de savon sont également dispensées dans les centres qui, bien que précieux en soi, peuvent également servir d’excuse aux survivants pour se rendre dans les centres et réduire le risque d’être identifés comme victimes de violence sexuelle.
Un réseau de centres d’écoute gérés par différentes ONG existe dans la plupart des grandes villes de la RCA et représente pour de nombreux survivants le premier point d’accès aux services. Les services qu’ils fournissent diffèrent, mais peuvent inclure les premiers soins psychologiques, du soutien psychosocial et juridique aux survivants et un référencement vers des établissements de santé si un traitement médical est nécessaire. Toutefois, on s’inquiète de la qualité inégale des centres, avec notamment un manque de personnel qualifé et motivé, des locaux et du matériel mal entretenus, un accès limité aux survivants et des systèmes inadéquats pour protéger la confdentialité des utilisateurs des services. [139]
Il existe des exemples de bonnes pratiques qui démontrent comment le soutien habile des leaders communautaires peut aider à contrer l’isolement et le rejet vécus par les victimes masculines. Un chef de quartier d’Obo a raconté à ASP son expérience de médiation avec les familles de deux hommes qui avaient subi des violences sexuelles par la LRA. Le chef de quartier a expliqué comment il avait facilité les discussions entre les deux hommes et leurs épouses ; les femmes ont par la suite mieux compris et admis que ce qui s’était passé n’était pas de la faute de leurs maris et que les hommes ne doivent pas être rejetés à cause de cela. Le chef de quartier a déclaré qu’il avait participé à un programme de sensibilisation sur la violence basée sur le genre mené par une ONG et qu’il avait mis en pratique ce qu’il avait appris. [140]
ACCÈS AUX SOINS MÉDICAUX, DE SANTÉ MENTALE ET SOUTIEN PSYCHOSOCIAL ET PROTECTION DES SURVIVANTS MASCULINS
Les confits armés successifs dégradent depuis longtemps le secteur de la santé en RCA. Comme c’est le cas pour d’autres services publics, une grande partie des soins de santé en dehors de Bangui est fournie par des ONG. La couverture géographique des services médicaux pour les victimes de violence sexuelle est faible, quel que soit le type de prestataire. Selon une récente évaluation conjointe du gouvernement, du FNUAP et de la Croix-Rouge française, 60 % des 71 sous-préfectures de la RCA disposent de services de lutte contre la violence sexuelle et basée sur le genre, dont seulement 58 % fournissent des services par l’intermédiaire d’établissements de santé publique, de centres médicaux et d’hôpitaux qui sont soutenus par des partenaires internationaux. [141]
L’ASP a été informé à plusieurs reprises que, même là où il existe des installations médicales, l’expertise en matière de violence sexuelle est faible. Même l’Hôpital communautaire de Bangui, qui est l’un des principaux points d’entrée pour les survivants de violence sexuelle dans la capitale, manque de services spécialisés et réfère les cas complexes à des ONG internationales. [142] Un médecin de l’hôpital a déclaré à l’ASP que l’hôpital n’a recensé aucun cas impliquant des survivants masculins de violences sexuelles au cours des cinq dernières années. [143]
Théodore, l’un des quatre survivants interrogés par l’ASP, a été soigné à l’Hôpital communautaire de Bangui après son évasion de la captivité de l’UPC à Basse-Kotto au début de l’année 2017. Il a déclaré à l’ASP qu’il avait effectué un test de dépistage du VIH, reçu des vaccinations contre le tétanos et l’hépatite B, ainsi qu’un traitement contre une infection sexuellement transmissible qu’il avait contractée après avoir été violé. Il n’a pas signalé les actes de violence sexuelle qu’il a subis au médecin qui l’a examiné et, semble-t-il, on ne lui a pas demandé non plus. [144]
La conseillère principale à la protection des femmes de la MINUSCA a mentionné à l’ASP un cas dans lequel trois enfants à risque ont été traités par un médecin local, qui a déterminé que les deux flles avaient été violées. Personne n’a demandé ce qu’il en était du garçon. [145]
Trois ans après avoir été violé par des ex-Séléka, Alexis n’avait pas sollicité de soins médicaux ni d’autres formes de soutien lorsque l’ASP l’a interviewé en septembre 2017. Alexis a affrmé qu’il souffrait encore de divers problèmes physiques et psychologiques, y compris des douleurs à l’estomac, des troubles sexuels, de l’anxiété, de la dépression, des fashbacks, des cauchemars et de la colère. Il a recours à l’automédication, mais souhaiterait obtenir des soins professionnels. Il ignorait toutefois comment y accéder : « Peut-être que quelqu’un peut me dire comment obtenir des soins, mais je ne connais personne [qui puisse me venir en aide] ». [146]
Les services publics de santé mentale et psychologique sont encore plus limités en RCA. Il n’y aurait que deux psychologues pour desservir l’ensemble de la population et aucun psychiatre. [147] Les ONG fournissent la majeure partie des services de santé mentale et de soutien psychosocial aux survivants, mais il subsiste des inquiétudes relatives à leurs compétences dans ce domaine. Par exemple, deux ONG nationales, à Bangui et à Obo, ont déclaré à l’ASP qu’elles fournissent des services psychologiques aux enfants survivants, mais elles ont également révélé qu’il n’y avait pas de psychologues formés au sein de leur personnel. [148] En l’absence de prestataire de soins de santé mentale qualifé, il y a de sérieuses préoccupations concernant le tort que cet ensemble fragmenté d’interventions pourrait causer aux survivants. « Nous essayons désespérément de faire comprendre aux acteurs de la protection de l’enfance qu’ils ne sont pas des psychologues », confe un expert international en protection de l’enfance à l’ASP. [149]
UNE « LACUNE CRITIQUE » DANS LES SERVICES POUR LES GARÇONS « Il n’y a presque pas de services psychologiques dans le pays – il n’y a rien. Comment pouvons-nous fournir des services spécialisés pour les garçons ? » [150] Une évaluation réalisée en mai 2017 par le Domaine de Responsabilité (AoR) de la protection de l’enfance a révélé une « lacune critique dans la fourniture de services de qualité pour les enfants survivants ». L’évaluation a conclu que, nonobstant les défs plus larges liés à la prestation de services en RCA, dans tout le pays et en particulier à Bangui « il y a plein de possibilités » de renforcer les services destinés aux enfants survivants. Dans chacune des trois villes visitées (Bangui, Bossangoa et Kaga Bandoro), l’équipe d’évaluation a indiqué qu’elle avait trouvé des acteurs capables de fournir des soins cliniques de qualité aux survivants de violence basée sur le genre qui, avec quelques améliorations, pourraient être rendus « idéaux pour les enfants ». L’évaluation s’est concentrée sur les flles et ne fait aucune référence spécifque aux garçons. Néanmoins, bon nombre de ses recommandations peuvent et devraient être appliquées d’une manière qui tienne compte des spécifcités de chaque genre. LES RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR L’ÉQUIPE D’ÉVALUATION COMPRENNENT : · Renforcer la coordination entre les principales parties prenantes, en particulier entre les acteurs de la protection de l’enfance, de la violence basée sur le genre et de la santé, les acteurs chargés de la coordination et la gestion des camps et les fournisseurs d’abris et les acteurs du secteur de l’eau, l’assainissement et l’hygiène ; · Aligner les systèmes de gestion de cas (dans lesquels les travailleurs sociaux et les survivants travaillent de concert pour identifer et prendre contact avec les services requis d’une manière sûre et solidaire) et les systèmes de référencement (dans lesquelles il y a une plus grande coordination entre les acteurs de la protection de l’enfance et les acteurs de la violence basée sur le genre) ; · Fournir une formation à l’ensemble du personnel de soutien des établissements de santé et du personnel non clinique sur les principes directeurs de la violence basée sur le genre, en particulier pour travailler avec les enfants en utilisant les documents Caring For Child Survivors of Sexual Assault (2012), Clinical Care for Sexual Assault Survivors (2009) et Interagency GBV Case Management Resource Package (2017) ; · Veiller à ce que chaque clinique soit adaptée aux enfants ; · Mettre à la disposition des enfants victimes d’abus sexuels un répertoire des prestataires de services ; · Travailler avec le FNUAP et se procurer les kits nécessaires pour s’assurer que chaque clinique dispose et sache comment utiliser des médicaments adaptés aux enfants. [151] |
ACCÈS À LA JUSTICE POUR LES SURVIVANTS MASCULINS DE VIOLENCE SEXUELLE
« En dépit du caractère généralisé du phénomène, les crimes sexuels ont été systématiquement sousdéclarés et peu d’enquêtes y ont été consacrées, le cas échéant ». [152]
L’impunité pour les crimes de violence sexuelle en RCA a été bien documentée. La récente montée en puissance du confit a encore dégradé un système judiciaire déjà en panne. En octobre 2017, seulement 14 tribunaux étaient opérationnels en dehors de Bangui. Entre-temps, la situation sécuritaire a entravé le redéploiement du personnel judiciaire dans l’est du pays. [153] L’insécurité entrave également le déploiement d’offciers de police et de gendarmerie en dehors de Bangui. [154]
Pour la plupart des survivants, il n’y a nulle part où se rendre pour signaler les incidents, et même si une plainte est déposée, rien ne garantit qu’un suivi sera effectué. Pour les survivants qui souhaitent intenter une action pénale, il y a peu de soutien juridique, et en l’absence de protection des victimes et des témoins, il n’existe aucune protection contre les représailles.
Malgré ces obstacles, plusieurs évolutions suscitent un certain degré d’optimisme. Les plus notables sont la création d’une Cour pénale spéciale (CPS) chargée d’enquêter sur les crimes graves au regard du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et la création d’une unité spécialisée chargée d’enquêter sur les crimes de violence sexuelle. Toutes deux en sont encore aux tout premiers stades de développement et font face à des défs importants ; elles offrent néanmoins une certaine perspective de justice pour les victimes. La mesure dans laquelle elles s’attaqueront à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons demeure incertaine. [155]
UNITÉ MIXTE D’INTERVENTION RAPIDE ET DE RÉPRESSION DES VIOLENCES SEXUELLES
L’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants (UMIRR) a été créée par décret ministériel en 2015 et commencé des activités à la mi-2017. [156] Elle est chargée d’enquêter sur les crimes de violence sexuelle, de déclencher des poursuites contre les auteurs et d’apporter un soutien aux victimes. A la de fn de l’année 2017, 29 policiers et gendarmes, deux membres du personnel médical et deux spécialistes des affaires sociales avaient été affectés à l’Unité. Ils sont appuyés par des policiers de l’ONU détachés auprès de l’Unité. [157]
La formation de l’Unité est assurée par la MINUSCA, et selon un fonctionnaire de l’ONU interviewé par l’ASP, elle comprend une formation sur la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons, bien qu’il ne soit certain que la question soit abordée à un niveau de détail suffsant. [158] L’Unité a également développé un système de référencement pour les survivants de violence sexuelle, mais étant donné les services disponibles limités, il n’est pas clair que le système fonctionne et qu’il comprenne des circuits de référencement pour les survivants masculins. [159]
L’ASP a été informé que, malgré son nom, l’Unité peut enregistrer et suivre les cas de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons. Toutefois, un haut fonctionnaire de l’Unité a reconnu qu’elle se focalise davantage sur les femmes, ce qui ressort clairement des cas traités jusqu’à présent par l’UMIRR.[160] Au cours des trois premiers mois après sa création, l’UMIRR a recensé 300 cas de violence basée sur le genre. [161] Quatre de ces cas impliquaient des garçons et n’étaient pas liés au confit. Aucun cas impliquant des hommes adultes n’a été reçu. [162] L’ASP craint que la dénomination de l’Unité puisse empêcher les survivants masculins adultes de bénéfcier d’une aide par son intermédiaire.
ENQUêTES CRIMINELLES INTERNATIONALES ET INTERNATIONALISÉES
Il est important de noter que les enquêtes de la Cour Pénale Internationale (CPI) en RCA ont conduit à la condamnation en 2016 de Jean-Pierre Bemba Gombo pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, y compris des viols d’hommes. [163] Le jugement est signifcatif parce qu’il représente la première condamnation par la CPI d’un individu pour sa responsabilité en tant que commandant pour des crimes de violence sexuelle à l’égard des hommes dans le contexte d’un confit armé. Le jugement fait référence à deux incidents impliquant des hommes. Dans un cas, des membres du groupe armé dénommé Mouvement de libération du Congo (MLC) ont violé un homme, après avoir violé des membres de sa famille. [164] Dans un autre cas, un homme a également été violé. [165] Jean-Pierre Bemba a été reconnu coupable parce qu’en tant que commandant, il n’a pris aucune mesure pour prévenir ou punir une série de viols et d’autres crimes sexuels commis par ses troupes. [166]
En 2014, le Procureur de la CPI avait ouvert une autre enquête sur la situation en RCA à la suite d’un référé du Gouvernement centrafricain. L’enquête en cours est axée sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, y compris des viols, commis dans le contexte d’une recrudescence de la violence depuis 2012. À l’ouverture de l’enquête, la Procureure de la CPI a observé comment les groupes Séléka et anti-Balaka auraient commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, y compris des viols.[167]Aucune mise en examen n’a encore été prononcée et le résultat reste incertain.
Entre-temps, la Cour pénale spéciale (CPS), qui a été créée en juin 2015 pour enquêter et poursuivre les auteurs de violations graves des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire commises depuis 2003, est récemment devenue opérationnelle. [168] La Cour est un organe hybride composé de juges et de procureurs nationaux et internationaux, intégré dans le système de justice pénale de la RCA. Tandis que la nomination du Procureur spécial de la Cour et d’autres nominations ont été faites, [169] on ne prévoit pas que les enquêtes commencent dans un avenir proche pour des raisons techniques et logistiques. [170]
La stratégie de poursuite de la CPS est toujours en cours d’élaboration ; toutefois, le Procureur spécial a indiqué à l’ASP que la stratégie de sensibilisation de la Cour comprend des plans pour atteindre des groupes spécifques de survivants de violence sexuelle qui sont « réticents à parler», y compris les survivants masculins. [171] Malheureusement, la CPS fait face à d’importants défs fnanciers. [172] La sécurité de son propre personnel ainsi que celle des victimes et des témoins est également une source d’inquiétude face à la persistance de niveaux élevés d’insécurité dans une grande partie du pays. Il est encourageant de constater qu’une stratégie de protection des témoins et des victimes, tant pour la CPS que pour les tribunaux ordinaires, a été élaborée, ainsi qu’une stratégie nationale sur l’assistance juridique.
Les questions de complémentarité et de coordination entre la CPI, la CPS et les tribunaux nationaux doivent également être résolues. Le Statut de la CPS prévoit que si le Procureur de la CPI décide de connaître toutes les demandes futures concernant un cas, la CPS donnera la primauté à la CPI. Cependant, les enquêtes et les poursuites de la CPI sont susceptibles de se concentrer uniquement sur les hauts fonctionnaires, laissant à la CPS le soin de se concentrer sur les autres auteurs de crimes. [173] En outre, tandis que la CPS a la primauté de la compétence à l’égard des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis depuis 2012, cela n’empêche pas les tribunaux ordinaires de juger tels crimes, y compris les crimes de violence sexuelle. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a abordé cette question dans son Rapport Mapping, observant que « l’ampleur et le nombre des crimes graves commis en République centrafricaine suggèrent que si un mécanisme approprié de partage des compétences juridictionnelles est développé, les juridictions de droit commun pourront aussi juger de tel crimes, ce qui pourrait être utile afn d’éviter que la Cour pénale spéciale ne soit débordée. » [174]
TRIBUNAUX NATIONAUX
Bien que le Code pénal centrafricain punisse le viol et l’agression sexuelle en tant qu’infractions pénales, le système de justice pénale du pays n’a généralement pas réussi à poursuivre avec succès ces crimes. En 2016, le Ministre de la justice a fait part de l’intention de traduire en justice les auteurs de viols en annulant une instruction préoccupante du Procureur général datant de 1998, selon laquelle les actes de viol devraient être traités comme des infractions mineures. [175]
En réalité, les tribunaux nationaux disposent de peu de moyens pour mettre en œuvre la nouvelle politique. Selon la MINUSCA, il n’y a eu qu’une seule poursuite réussie d’un cas de violence sexuelle devant les tribunaux centrafricains ces dernières années.[176] L’affaire concernait le viol d’une jeune flle de 16 ans par deux membres d’un groupe anti-Balaka. Les deux hommes ont été reconnus coupables en 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Bambari, et condamnés à deux ans de prison et à une amende de 100 000 francs CFA (soit environ 189 dollars américains). À la connaissance de l’ASP, aucun cas n’a été portée devant les tribunaux de la RCA au nom de victimes masculines. Sur les quatre survivants interrogés par l’ASP, l’un d’entre eux a signalé l’incident à la police, mais rien n’a suivi. [177] Les trois autres n’avaient pas déposé de plainte pénale. Pour Jacques, « l’affaire est entre les mains de Dieu. »
D’autres lacunes judiciaires subsistent également. [178] Les survivants ont besoin d’avoir accès à des certifcats médico-légaux gratuits s’ils veulent porter plainte à l’avenir contre les auteurs et pour obtenir un soutien ou demander l’asile. La collecte de preuves demeure également ineffcace ; les survivants de violence sexuelle en RCA ne se voient pas systématiquement offrir un examen médico-légal et le pays n’a pas la capacité de recueillir, stocker et préserver correctement les preuves médicales et autres preuves médico-légales. Toutefois, compte tenu des diffcultés d’accès à la justice, il est positif que des progrès aient été réalisés en matière d’aide juridique aux survivants. [179]
PROCÉDURES DE JUSTICE NON JUDICIAIRES
La Stratégie de réconciliation nationale de 2014 et le Pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale et la reconstruction (adoptés lors du Forum de Bangui en 2015) contiennent des engagements pour établir une commission de vérité pour poursuivre d’autres processus de justice transitionnelle, y compris des événements tels qu’une journée nationale dédiée à la mémoire des victimes du confit armé.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a proposé de mettre en œuvre des mesures préparatoires pour faire progresser la justice transitionnelle, notamment en élaborant la documentation et l’archivage et en renforçant les capacités des organisations de la société civile. Il recommande également la mise en place d’un programme de protection des victimes et des témoins. De manière globale, il recommande de prioriser la lutte contre la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons. [180] Il est important que la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons soit incluse dans ces étapes préparatoires de la justice transitionnelle et des stratégies spécifques formulées pour soutenir la participation des survivants masculins.
Entre-temps, il est nécessaire de mettre en place immédiatement des mesures visant à exclure des institutions publiques les personnes qui ont commis des violations graves et à les empêcher de commettre de telles violations à l’avenir dans le cadre des processus de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement (DDRR). Les accords prévoient généralement un processus de vérifcation des ex-combattants de groupes armés cherchant à s’intégrer dans les FACA,[181] et un projet pilote de DDRR a été lancé en août 2017 avec l’appui de la MINUSCA et de la Mission de formation de l’Union européenne. Le projet pilote comprend la création et la formation d’une « compagnie mixte de DDR » composée de membres actuels des FACA et d’ex-combattants des 14 groupes armés participants. [182] Un processus de réforme plus large du secteur de la sécurité est également en cours. Dans ce contexte, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a recommandé, comme tâche prioritaire immédiate, la mise en place d’un mécanisme national de vérifcation qui inclut le respect des droits de l’homme, y compris dans le contexte de l’intégration d’éléments de groupes armés démobilisés. [183]
PROTÉGER LES HOMMES ET LES GARÇONS CONTRE LA VIOLENCE SEXUELLE
Protection des civils
La responsabilité première de protéger les civils sur son territoire incombe au Gouvernement centrafricain. Cependant, en raison de son manque de capacité à le faire, ce rôle a été confé aux forces internationales. La protection des civils contre les menaces physiques de violence a constitué un élément central du mandat de la MINUSCA depuis sa création en avril 2014. [184] Bien que la Mission ait sauvé des vies, elle a également reçu des critiques pour son incapacité à protéger les civils, y compris contre la violence sexuelle. [185] Avec des ressources limitées et une situation dans laquelle au moins 60 % du pays échappe toujours au contrôle du gouvernement, la MINUSCA a eu du mal à remplir son mandat de protection. Pendant ce temps, l’insécurité augmente.
En novembre 2017, 900 militaires supplémentaires ont été autorisés par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour renforcer les rangs de la MINUSCA en vue d’accroître sa souplesse et sa mobilité afn d’améliorer la mise en œuvre effcace de son mandat complet, et en particulier, la protection des civils. [186] Selon certains observateurs, la manière dont les ressources supplémentaires seront déployées déterminera leur effcacité. Les effets seront limités si les troupes ne sont pas bien entraînées, bien équipées et ne se dotent pas d’une stratégie effcace pour viser les groupes armés. [187]
L’amélioration de la protection des civils contre la violence sexuelle nécessitera également une coordination avec d’autres acteurs non militaires. Des experts d’organisations intervenant dans les domaines des droits de l’homme, de l’aide humanitaire, de la protection de l’enfance et de la lutte contre la violence basée sur le genre – en collaboration avec les agences des Nations Unies concernées – devront formuler une analyse commune du problème et convenir de stratégies inclusives du point de vue du genre pour y faire face.
Bien que la protection contre la menace de violence sexuelle fgure dans leurs stratégies et leur planifcation opérationnelle, l’accent est mis sur les femmes et les flles. Comme l’a expliqué un de ses représentants, « la MINUSCA déploie des patrouilles pour protéger les femmes et les flles contre la violence sexuelle, mais nous n’avons pas de réponse spécifque pour les hommes. [188]La question des hommes et des garçons est très nouvelle, nous ne savons pas dans quelle mesure cela se produit et nous ne connaissons pas l’échelle. Elle n’a jamais été mise sur la table ». [189]
PLANS D’ACTION DE PRÉVENTION DE LA VIOLENCE SEXUELLE À L’ÉGARD DES ENfANTS
Les groupes armés en RCA ont été énumérés dans les annexes des rapports annuels successifs du Secrétaire général de l’ONU sur les enfants et les confits armés, y compris pour avoir commis des viols et d’autres formes de violence sexuelle à l’égard des enfants, conformément à la résolution 1882 (2009) du Conseil de sécurité de l’ONU. [190] Une fois inscrits sur la liste, les groupes doivent s’engager à collaborer avec les Nations Unies à l’élaboration des plans d’action pour prévenir et mettre fn aux violations graves contre les enfants pour lesquelles ils ont été inscrits sur la liste.
En RCA, les ex-Séléka, les anti-Balaka et les groupes associés sont inscrits sur cette liste depuis 2014 comme des parties responsables de viol et de violences sexuelles répétées à l’égard des enfants. La LRA est également inscrite sur la liste pour avoir commis des actes de violence sexuelle en RCA ainsi qu’ailleurs dans la région. [191] Bien qu’inscrits sur la liste pendant des années successives, aucun groupe n’a encore signé de plan d’action. L’ASP a été informé que le processus d’élaboration d’un plan avec les ex-Séléka est en cours et que le plaidoyer est en cours auprès des groupes anti-Balaka, pour lesquels les plans d’action peuvent représenter un outil moins approprié du fait de leur structure moins formelle.[192] Face aux rapports continus de violations graves par les ex-Séléka, les groupes anti-Balaka et d’autres groupes d’autodéfense, il est important d’utiliser tous les outils disponibles pour améliorer la protection des enfants.
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Les besoins concurrents et les taux élevés de violence sexuelle à l’égard des femmes et des flles en RCA font que les ressources sont déjà étroitement tendues. Si l’on souhaite inclure les hommes et les garçons dans la prévention de la violence sexuelle et dans les programmes de réponse d’une manière qui ne porte pas préjudice aux femmes et aux flles, il sera nécessaire d’élaborer une stratégie intégrée et de la fnancer. Les prestataires de services auront besoin d’une formation spécialisée afn d’améliorer l’identifcation des survivants et de faciliter leur demande d’aide de manière à dispenser des soins, notamment à l’aide des approches spécifques les plus appropriées aux survivants masculins.
Il existe des possibilités immédiates de renforcer les réponses apportées aux survivants, notamment par l’intermédiaire de la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre en République centrafricaine pour 2018-2021. Cette stratégie sur trois ans, qui est en cours de fnalisation, devrait fournir le cadre de travail nécessaire à toutes les interventions afn de prévenir et de répondre à la violence basée sur le genre, notamment la violence sexuelle, et d’entreprendre les actions nécessaires à une meilleure coordination et intégration des réponses entre les autorités nationales, les Nations Unies et les acteurs non gouvernementaux, y compris dans les domaines de la collecte de données, de la prestation de services, de la sensibilisation et de la mobilisation des communautés ainsi que du renforcement des capacités professionnelles et de la formation. Il est nécessaire que les facteurs de vulnérabilité des hommes et des garçons soient reconnus explicitement et que des réponses spécifques pour chaque genre soient incluses afn que la Stratégie nationale puisse être totalement effcace.
La Stratégie nationale comprend également des actions visant à renforcer l’accès des survivants de violence sexuelle à la justice, ce qui est pratiquement inexistant à l’heure actuelle, que ce soit pour les hommes ou les femmes. En ce qui concerne le secteur de la justice, deux avancées récentes incitent à l’optimisme, en particulier la création d’une Cour pénale spéciale (CPS) afn d’enquêter sur des crimes graves au regard des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et la mise en place d’une unité de police spécialisée, l’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants (UMIRR) afn d’enquêter sur les crimes de violence sexuelle. Les deux institutions en sont encore à leurs débuts et font face à des défs importants mais offrent néanmoins des perspectives de justice aux victimes et présentent des possibilités d’élaborer une réponse à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons dans le cadre de leur travail au sens large.
Afn de contribuer à ces actions et à d’autres visant à prévenir et à répondre à la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons en RCA, l’ASP émet les recommandations de base suivantes :
- Les groupes armés non étatiques doivent immédiatement cesser les attaques visant la population civile, donner des ordres clairs à leurs forces de cesser toute violence sexuelle et coopérer dans le cadre des enquêtes et des poursuites pour violence sexuelle menées par les autorités nationales et internationales. Un nombre important d’actes récents de violence sexuelle à l’égard d’hommes et de garçons ont été commis par des groupes armés d’ex-Séléka, d’autodéfense et d’anti-Balaka. Les chefs de ces groupes devraient s’acquitter de leurs obligations juridiques en vertu du droit international, notamment en vertu du droit international humanitaire, afn d’empêcher la perpétration de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par leurs forces, qu’il s’agisse de viol ou d’autres formes de violence sexuelle. Ils devraient donc :
- Exclure les membres de groupes armés accusés de crimes de violence sexuelle de leurs rangs et faciliter leur transfert aux autorités nationales ou à la MINUSCA afn que des enquêtes et des poursuites puissent être menées;
- Garantir à la police, aux procureurs, aux juges, ainsi qu’aux autres agents des forces de l’ordre et des autorités judiciaires qui enquêtent sur des crimes de violence sexuelle et d’autres violations du droit international un accès sans restrictions aux zones sous le contrôle des groupes armés;
- Les parties visées dans les rapports annuels du Secrétaire général des Nations Unies sur les enfants et les confits armés et sur les violences sexuelles liées aux confits devraient entamer un dialogue avec les Nations Unies afn d’adopter et de mettre en œuvre des plans d’action concrets en vue de prévenir et de mettre fn aux violations graves commises contre les enfants, y compris les violences sexuelles.
- La problématique de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons devrait être incluse dans toutes les stratégies du gouvernement, des Nations Unies et des ONG relatives à la prévention et à la réponse à la violence sexuelle. De nouvelles ressources devraient être dédiées à la formation et au renforcement des capacités en prenant compte les besoins spécifques des survivants masculins. Le processus de fnalisation de la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre en République centrafricaine pour 2018-2021 offre une possibilité immédiate de garantir que les stratégies et les réponses soient inclusives du point de vue du genre. Les appels de fnancements devraient être révisés de manière à reféter toute ressource additionnelle nécessaire à garantir que la planifcation et la prestation de services pour les survivants masculins ne se fasse pas au détriment des femmes et des flles. À savoir :
- Le gouvernement de la RCA, en coopération avec les agences des Nations Unies et la MINUSCA, devrait réviser le projet de Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre en République centrafricaine pour 2018-2021 afn de veiller à ce qu’elle soit inclusive du point de vue du genre, et la fnaliser dans les plus brefs délais ;
- Les sous-clusters VBG et Protection de l’enfance, les agences des Nations Unies et les ONG internationales et nationales qui travaillent à la prévention et à la réponse à la violence sexuelle devraient revoir sans délai leurs stratégies, leurs plans et leurs procédures opérationnelles standards afn de garantir qu’elles prennent en compte chaque genre (c’est-à-dire qu’elles répondent aux besoins spécifques des femmes et des hommes) et qu’elles soient adaptées à chaque genre (c’est-à-dire qu’elles reconnaissent les besoins spécifques des femmes et des hommes) ;
- Les donateurs devraient accroître leur soutien fnancier à des programmes de lutte contre la violence sexuelle en RCA, tout en veillant à ce que la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons soit intégrée dans chaque programme auquel ils apportent leur soutien.
- La collecte de données et le partage sûr et anonyme des informations en matière de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons devraient être améliorés dans le cadre d’efforts plus large pour effectuer le suivi et rendre compte des violences sexuelles liées aux confits. Il devrait être formulé une hypothèse de travail selon laquelle les hommes et les garçons sont exposés au risque d’être victime d’actes de violence sexuelle devrait être formulée. Il serait aussi nécessaire de mettre en place des systèmes de collectes de données et des processus de dépistage afn d’identifer des survivants masculins et féminins. Le partage ainsi que la coordination de données entre les acteurs devraient être renforcés tout en donnant constamment la priorité à la sécurité et au bien-être des survivants. Les mesures spécifques devraient suivre les règles suivantes :
- Des défnitions cohérentes et des normes pour la collecte de données devraient être mises en place dans l’ensemble des mécanismes (entre autres, le GBVIMS, les Rapports sur les droits de l’homme de la MINUSCA, les Arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information sur les violences sexuelles liées aux confits (MARA) et le Mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les violations graves commises contre des enfants en situation de confit armé (MRM)) afn de garantir l’enquête, l’enregistrement et le signalement précis et cohérents des cas de violence sexuelle à l’encontre de hommes et des garçons ;
- Les groupes vulnérables tels que les déplacés internes et les enfants associés aux forces armées et aux groupes armés devraient être systématiquement invités à suivre une procédure de dépistage afn d’identifer les hommes et les garçons susceptibles d’avoir été victimes de violence sexuelle. Les installations (telles que des centres d’écoute et des espaces adaptés aux besoins des enfants) devraient être élaborés afn de faciliter un accès confdentiel et sûr pour les survivants masculins. Cela devrait inclure la mise à disposition de mécanismes de signalement confdentiels et de personnel masculin et féminin qualifé ;
- Des protocoles de collecte de données devraient être rapidement négociés entre la MINUSCA et le GBVIMS, tout comme toute autre disposition nécessaire au partage anonyme et pertinent de données ;
- Élaborer une analyse commune des risques, des tendances et de la prévalence de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons.
- L’ensemble des acteurs nationaux et internationaux concernés devraient être formés sur la manière de répondre à la violence sexuelle inclusive du point de vue du genre. Il serait nécessaire de trouver des réponses urgentes au manque de connaissance et d’expertise sur la violence sexuelle liée aux confits à l’égard des hommes et des garçons qui subsiste au sein de nombreux organismes nationaux et internationaux humanitaires et dans les domaines de la santé, des droits de l’homme, de la justice et autres. Les formations devraient faire état des distinctions et des connexions entre les notions de genre, de sexualité, d’orientation sexuelle et de violence sexuelle. Tous les prestataires de services devraient également être capables de référer des survivants masculins vers un soutien médical, psychologique, psychosocial ou tout autre soutien approprié. Il serait également intéressant d’envisager l’élaboration de partenariats stratégiques permettant le partage d’expertises pertinentes. Les secteurs à former prioritairement sont :
- Les représentants des gouvernements concernés, notamment du Ministère de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de I’enfant, ainsi que les Ministères de la santé et de la justice ;
- Les professionnels de la santé et de la santé mentale ainsi que le personnel humanitaire ;
- Le personnel de la MINUSCA, notamment les membres des forces militaires de maintien de la paix et les forces policières des Nations Unies ;
- En outre, la MINUSCA, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et d’autres prestataires de formations à destination de la police nationale, des gendarmes, des procureurs et des juges, devraient garantir que la formation couvre la manière de répondre, d’enquêter et de poursuivre des actes de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons ;
- De même, la Mission de formation de l’Union européenne et d’autres formateurs des forces armées nationales (notamment la nouvelle brigade intégrée) devraient veiller à ce que la formation à la protection contre la violence sexuelle fasse partie intégrante du programme de formation.
- Les activités de sensibilisation en matière de violence sexuelle devraient prendre en compte chaque genre. Des efforts concertés sont nécessaires afn de renforcer les connaissances sur la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons en RCA et de lutter contre la stigmatisation qui en découle. Il s’agit d’un travail à long terme qui nécessitera une transformation culturelle mais qui s’avère essentiel à la création d’un environnement protecteur. Les autorités nationales, les organisations humanitaires, la MINUSCA et les autres acteurs concernés par les activités de sensibilisation devraient garantir que :
- Les messages relatifs à la violence sexuelle prennent en compte chaque genre et ne contiennent pas de stéréotypes basés sur le genre. Il devrait être précisé explicitement dans toutes les activités de sensibilisation et de diffusion que les hommes et les garçons peuvent être victimes de violence sexuelle. Des lignes directrices spécifques devraient être fournies en ce qui concerne la manière de répondre aux survivants masculins et des informations devraient être fournies sur les lieux où les survivants masculins peuvent obtenir des soins et un soutien ;
- Les activités de sensibilisation et de diffusion soient élaborées afn de toucher les survivants masculins ainsi que les personnes qui sont amenées à leur apporter leur soutien, comme les chefs de quartiers, les chefs communautaires et les chefs de camps de personnes déplacées internes. Les clubs de sports, les stations de radio ou de la musique écoutée principalement par un public masculin peuvent également être utilisés.
- Les services médicaux, psychologiques et psychosociaux fournis par l’État doivent être améliorés afn d’être rendus disponibles pour tous les survivants de violence sexuelle sans distinction de genre. Il est nécessaire d’accélérer les efforts pour l’amélioration des services disponibles et garantir que des services prenant en compte les spécifcités des hommes et des garçons soient inclus dans les programmes. Il est recommandé de se baser sur les exemples existants de bonnes pratiques de prise en charge des survivants, dont certains sont inclus dans ce rapport. Les normes minimales devraient inclure :
- L’accès immédiat des hommes et des garçons à des soins médicaux de qualité, gratuits et confdentiels dans les hôpitaux publics, dans les centres médicaux ou dans les cliniques mobiles et les structures gérées par les acteurs non gouvernementaux. Tous les services devraient agir en stricte conformité avec le respect du consentement éclairé des survivants et adopter une approche centrée sur les survivants ;
- Un certifcat médico-légal fourni gratuitement à tous les survivants de violence sexuelle au moment de la première consultation médicale ;
- Des systèmes de référencement sûrs et confdentiels pour les survivants masculins vers des prestataires de services médicaux, psychosociaux et juridiques ;
- L’accès des survivants masculins, des témoins et, si besoin, des membres de leur famille, à un soutien psychosocial au niveau régional et communautaire, notamment grâce aux mécanismes communautaires de protection existants et en facilitant la création de groupes d’entraide pour les survivants masculins. Ces services devraient être largement diffusés et mis à la fois à la disposition des survivants et des témoins d’actes de violence sexuelle ;
- La mise en place de services spécialisés pour les enfants ayant survécu à des actes de violence sexuelle, y compris les garçons. Il convient d’accorder une attention particulière aux enfants associés aux forces armées et aux groupes armés, aux enfants non accompagnés et aux autres groupes particulièrement exposés au risque de violence sexuelle ;
- La conduite d’évaluations de sécurité pour les survivants, y compris dans des contextes familiaux ou sociaux et, le cas échéant, l’étude des possibilités d’un transfert rapide vers un logement sûr et confdentiel pour les survivants masculins en attendant de trouver une solution à plus long terme ;
- La consultation et l’implication des hommes et des garçons dans la conception des programmes et la consultation des survivants au moment de leur mise en œuvre.
- L’impunité pour les crimes de violence sexuelle doit prendre fn et le droit des victimes à un recours doit être respecté y compris en tenant les auteurs responsables de leurs actes et en versant des réparations complètes aux survivants. Une accélération des mesures est nécessaire afn de renforcer la capacité des acteurs du système judiciaire national à enquêter sur les crimes de violence sexuelle, à poursuivre leurs auteurs et à rendre la CPS pleinement opérationnelle. Ces institutions devraient disposer de moyens et de compétences spécifques pour traiter la violence sexuelle à l’égard de touts les survivants de manière effcace. Des mesures effcaces devraient être prises pour :
- Garantir que l’UMIRR soit accessible aux survivants masculins, enquête de manière proactive sur les signalements de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons et leur fournisse un soutien adapté du point de vue du genre ou les oriente vers des services qui sont en mesure de fournir un soutien adapté. Il faudrait également envisager de changer son nom (actuellement Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants) afn d’y inclure les hommes et d’exprimer ainsi que l’action de l’UMIRR est inclusive du point de vue du genre ;
- Donner la priorité à la violence sexuelle, y compris à l’égard des hommes et des garçons, dans les stratégies d’enquête et de poursuite de la CPS. Des ressources spécifques pour la violence sexuelle au sein du Bureau du Procureur devraient être accordées, y compris à travers le recrutement de conseillers principaux en genre possédant une expertise en violence sexuelle à l’égard de personnes de tout genre ;
- Renforcer la capacité des acteurs du système de justice ordinaire à enquêter sur les crimes de violence sexuelle liée aux confits et à poursuivre leurs auteurs ;
- Finaliser le cadre juridique national de protection des victimes et des témoins, en portant une attention particulière aux survivants de violence sexuelle confrontés à la stigmatisation et aux représailles. La protection des victimes et des témoins devrait être introduite dans la CPS, les institutions juridiques nationales et tout autre processus futur de justice transitionnelle tel que la commission de vérité ;
- Veiller à ce que tous les survivants de violence sexuelle aient accès à des services juridiques gratuits ainsi qu’à d’autres types de soutien afn de leur permettre de demander justice et de participer aux processus de justice pénale ;
- Garantir que les membres de groupes armés intégrés dans les forces nationales de sécurité dans le cadre d’accords de DDRR soient vérifés et que toute personne accusée de violation des droits de l’homme, dont d’actes de violence sexuelle, soit exclue des FACA ou de tout autre organisme des forces nationales de sécurité. Une vérifcation complète des forces de sécurité existantes devrait également être entreprise et les personnes soupçonnées d’avoir commis, autorisé ou toléré des violations des droits de l’homme devraient en être exclues ;
- Mettre en place des mesures préparatoires pour la création d’une commission de vérité, en application de la recommandation effectuée par le HCDH dans son Rapport Mapping de mai 2017. Ces mesures devraient inclure : l’amélioration de la documentation et de l’archivage ; le soutien des organisations de victimes pour défendre la justice transitionnelle ; le renforcement des capacités des organisations de la société civile ; et le lancement de consultations et d’activités de sensibilisation concernant la justice transitionnelle ;
- Planifer immédiatement un programme de réparations compréhensif, centré sur les survivants et sans distinction de genre, qui soit mis à disposition de tous les survivants de violence sexuelle.
- Les stratégies et les mesures de protection de civils contre la violence physique, notamment la protection physique par les force de maintien de la paix et l’engagement politique avec les groupes armés, devraient prendre en compte la protection des hommes et des garçons contre la violence sexuelle. Les Nations Unies doivent garantir que leur personnel militaire, civil et policier se conforme à la politique de « tolérance zéro » des Nations Unies en matière d’exploitation et de violence sexuelle.
- Le groupe de travail sur la protection des civils dirigé par la MINUSCA devrait réexaminer d’urgence sa stratégie de protection des civils afn de garantir qu’elle prend en compte les risques potentiels de violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons. Les organismes humanitaires devraient, par l’intermédiaire du Cluster protection dirigé par le HCR, travailler en coordination avec la MINUSCA afn de s’assurer d’avoir une vision globale des tendances de violence sexuelle, y compris à l’égard des hommes et des garçons, afn de participer à l’élaboration de stratégies et de mesures adaptées;
- Des consultations régulières avec les communautés devraient être mises en place, notamment avec les membres masculins de la communauté, afn d’identifer les risques de sécurité, dont les risques potentiels de violence sexuelle pour les hommes et les garçons ;
- La MINUSCA et l’UNICEF devraient intensifer leur engagement auprès des groupes armés mentionnés dans les rapports annuels du Secrétaire général des Nations Unies sur les enfants et les confits armés et sur les violences sexuelles liées aux confits afn de soutenir la mise en œuvre de mesures pour prévenir la violence sexuelle commise par les groupes armés et y mettre fn. Lorsque la nature informelle des groupes armés ou le manque de structures formelles de commande ou de contrôle entraîne l’impossibilité de mettre au point des plans d’action, des stratégies alternatives devraient être élaborées en coopération avec les acteurs non gouvernementaux de protection de l’enfance et les communautés locales.
- Les efforts entrepris par le personnel de maintien de la paix des Nations Unies afn d’empêcher l’exploitation et la violence sexuelle devraient être davantage renforcés à la lumière de rapports d’incidents réguliers.
REMERCIEMENTS
La recherche primaire menée dans le cadre de ce rapport a été effectuée par Zack Baddorf. Lucia Withers a fourni des orientations stratégiques et une aide dans le cadre de sa rédaction et Tomaso Falchetta a effectué l’examen du cadre juridique et politique. L’assistance à la mise en page et à la production ont été fournies par FB Printers. Lara Stemple, Directrice du projet Santé et Droits de l’Homme à la School of Law de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), a fourni des conseils techniques et Laura Pasquero a révisé les sections du rapport relatives à la réponse humanitaire.
Nous sommes particulièrement reconnaissants envers nos réviseurs externes Lewis Mudge, chercheur sur la RCA pour Human Rights Watch ; Nelly Staderini, conseillère en matière de santé sexuelle et reproductive à Médecins Sans Frontières ; Nicola Dahrendorf, consultante indépendante et ancienne employée de la MINUSCA ; Beatrix Attinger Colijn, conseillère principale à la protection des femmes de la MINUSCA ; et l’équipe de protection de l’enfance de l’UNICEF à Bangui qui a révisé des sections du rapport.
Nous aimerions remercier les nombreux représentants d’organisations non gouvernementales, le personnel des Nations Unies, les représentants gouvernementaux, les leaders de la société civile, les activistes, les avocats et les défenseurs des droits de l’homme qui nous ont fourni des informations approfondies et ont généreusement partagé leur temps avec nous. Nous remercions également les quelque 50 citoyens centrafricains qui ont pris part aux groupes de discussion.
Nous sommes très reconnaissants envers les survivants et les témoins de violence sexuelle qui ont parlé longuement à notre chercheur. Leurs histoires ont grandement contribué à la compréhension de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons en République centrafricaine.
Nous reconnaissons avec gratitude le soutien financier du HCR au travail de l’ASP, qui a rendu possible la production de ce rapport.
All Survivors Project est reconnaissant du soutien apporté par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés pour le financement de la recherche sur la RCA et pour la traduction de ce rapport en français. Nous sommes particulièrement reconnaissants au Bureau du HCR à Genève et à Bangui pour son précieux soutien dans l’organisation conjointe à Bangui, en avril 2018, d’un atelier de présentation et de discussion des conclusions de ce rapport.
Photographie de couverture : Zack Baddorf
« Si je ne parle pas aux autres, c’est parce que j’ai peur d’être ridiculisé, moqué ou stigmatisé ».
Le conflit en République centrafricaine (RCA) a coûté la vie à des milliers de personnes et forcé des centaines de milliers à fuir leur domicile. Depuis le début des derniers combats, en 2012, de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire ont été commises par les forces armées étatiques et les groupes armés non étatiques et pourraient être qualifiées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.
Cependant, en dépit de ces cas bien documentés, il demeure des victimes cachées: les hommes et les garçons survivants de violence sexuelle, souvent perpétrée par des groupes armés, et dont la souffrance est sous-évaluée et largement ignorée.
L’étude effectuée dans ce rapport relève une tendance claire à la victimisation des hommes et des garçons en RCA qui requiert la plus urgente des attentions. L’ASP s’est entretenu avec des survivants et des témoins de ces crimes, ainsi qu’avec les principaux experts des organismes travaillant en RCA afin d’attirer l’attention sur cet aspect caché du conflit armé.
L’ampleur et la nature de la violence sexuelle à l’égard des hommes et des garçons en RCA est mal comprise et les hommes et les garçons n’ont pas été systématiquement pris en compte dans les stratégies de protection ou dans l’élaboration et la mise en œuvre de réponses pour les survivants. En même temps, la stigmatisation et la honte empêchent les hommes et les garçons de signaler des crimes de violence sexuelle et de recevoir le soutien dont ils ont besoin de façon urgente.
Des leçons doivent être tirées de ce conflit et des autres afin de garantir un meilleur signalement et la mise en place de mécanismes de soutien et d’accès à la justice pour les survivants masculins de violence sexuelle. Même si l’on constate que des progrès sont accomplis pour garantir que justice soit rendue aux victimes du conflit, des efforts supplémentaires sont nécessaires afin de mettre fin à l’impunité des crimes de violence sexuelle et respecter le droit des survivants à un recours.
References[+]
1↑ | Organisation Mondiale de la Santé (OMS), La violence à l’encontre des femmes – Violence d’un partenaire intime et violence sexuelle à l’encontre des femmes, 2011. |
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2↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits, UN Doc. S/2016/361 (2016) (ci-après Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits, 2016). |
3↑ | K. Crenshaw, « Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color », dans Stanford Law Review Vol. 43, No 6 (juillet 1991), p.1241 à 1299. |
4↑ | UNHCR, 2015. |
5↑ | Entretien avec un représentant de Médecins du Monde, Bangui, 11 septembre 2017. |
6↑ | Entretien avec un fonctionnaire local, Obo, 15 septembre 2017. |
7↑ | Groupe de discussion, Bangui, 26 septembre 2017. |
8↑ | François Bozizé est arrivé au pouvoir en 2003 à la suite d’un coup d’État militaire. |
9↑ | La population de la RCA est composée d’une majorité de chrétien ou d’animistes, avec une minorité de musulmans non négligeable. |
10↑ | HCDH, Rapport du Projet Mapping documentant les violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la République centrafricaine de janvier 2003 à décembre 2015, 2017 (ciaprès Rapport Mapping du HCDH, 2017), http://www.ohchr.org/FR/Countries/AfricaRegion/Pages/CARProjetMapping2003-2015.aspx. |
11↑ | Voir le Rapport fnal du Groupe d’experts sur la République centrafricaine reconduit dans son mandat par la résolution 2339 (2017) du Conseil de sécurité, UN Doc. S/2017/1023 (2017), par. 61-67 (ci-après Rapport fnal du Groupe d’experts sur la RCA, 2017), https://www.un.org/sc/suborg/fr/sanctions/2127/panel-of-experts/reports. |
12↑ | Pour plus de renseignements sur la LRA et ses opérations en RCA, voir Human Rights Watch, Dix questions sur le retrait de l’opération anti-LRA menée par les États-Unis, 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/06/19/dix-questions-sur-le-retrait-deloperation-anti-lra-menee-par-les-etats-unis. |
13↑ | Pour plus de renseignements sur des incidents particuliers, voir les rapports de la MINUSCA : Rapport sur la situation des droits de l’homme en RCA du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 ; Rapport des Nations Unies sur les violations et abus du droit international des droits de l’Homme et les violations du droit international humanitairpar la coalition du FPRC et de l’UPC dans la Haute-Kotto et la Ouaka (entre le 21 novembre 2016 et le 21 février 2017) ; et Rapport spécial sur les incidents de Kaga Bandoro du 12 au 15 octobre 2016. https://minusca.unmissions.org/droits-de-l%E2%80%99homme. |
14↑ | Voir International Crisis Group, Éviter le pire en République centrafricaine, 2017, www.crisisgroup.org/fr/africa/central-africa/central-african-republic/253-avoiding-worst-central-african-republic; Invisible Children, LRA Crisis Tracker, 2017, https://reliefweb.int/report/central-african-republic/lra-crisis-tracker-2017-midyear-brief. |
15↑ | En plus de l’UPC, du FRPC et du MPC, cela inclut le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC), le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLJC) et Retour Réclamation Réhabilitation (3R). |
16↑ | Plus récemment, le 19 juin 2017, le gouvernement et 13 des 14 groupes armés actifs dans le pays ont signé un accord de cessez-le-feu pour lequel la Communauté catholique de Sant’Egidio a joué le rôle de médiateur, bien que cet accord n’ait pas été respecté longtemps. Une initiative de médiation séparéeconnue sous le nom d’« Initiative africaine pour la paix et la réconciliation » et soutenue par le Tchad, l’Angola, la République démocratique du Congo, la CEEAC et la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs a vu le jour au début de l’année 2017. Pour plus de renseignements sur l’initiative, voir International Crisis Group, Éviter le pire en République centrafricaine, 2017. |
17↑ | La MISCA a reçu l’autorisation du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, le 19 juillet 2013, et par la suite du Conseil de sécurité de l’ONU par l’intermédiaire de l’adoption de la Résolution 2127 du Conseil de sécurité en 2013. |
18↑ | Voir le Mandat de la MINUSCA, https://minusca.unmissions.org/mandat. |
19↑ | Voir Mission militaire de formation PSDC de l’Union européenne en République centrafricaine (EUTM RCA), https://eeas.europa.eu/csdp-missions-operations/eutm-rca_fr. |
20↑ | Rapport Mapping du HCDH, 2017. |
21↑ | Nations Unies, Rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, UN Doc. S/2017/865 (2017). |
22↑ | Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), Central African Republic, www.unocha.org/car. |
23↑ | OCHA, Review of humanitarian action in the Central African Republic in 2017, 2018, https://reliefweb.int/report/central-african–republic/ocha-central-african-republic-information-note-press-conference. |
24↑ | Le terme violence sexuelle est employé de façon interchangeable avec le terme violence sexuelle liée aux confits tout au long du rapport. L’ASP se réfère à la défnition de la violence sexuelle liée aux confits fournie dans le Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits, 2016. Voir défnitions clés. |
25↑ | Obo a été choisi comme second lieu de recherche car, bien que la ville soit touchée par la violence armée, elle était relativement sûre et les risques entraînés par la recherche de participants pouvaient par conséquent être gérés. |
26↑ | Le faible nombre de témoignages directs était dû à la courte durée de la mission sur le terrain, ce qui a restreint le temps disponible pour trouverdes survivants, ainsi qu’aux préoccupations en matière de sécurité et de bien-être des survivants et des témoins, qui a entraîné le fait que l’ASP dépendait nettement plus des renseignements fournis par les personnes travaillant avec les survivants et d’autres sources secondaires. |
27↑ | Un résumé des directives déontologiques du CPP est disponible sur le site Web de l’ASP, www.allsurvivorsproject.org. |
28↑ | Alors que les chiffres récents ne sont pas connus, une estimation plus ancienne indique que 10 % de la population du pays est de confession musulmane, selon le Ministère du Plan et de l’Économie, Le Pays, 2011, https://web.archive.org/web/20101210162730/http://www.minplan-rca.org/pays. |
29↑ | Voir, Rapport Mapping du HCDH, 2017 ; Human Rights Watch, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves » : Violences sexuelles perpétrées par les groupes armés en République centrafricaine, 2017 (ci-après HRW, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », 2017), https://www.hrw.org/fr/report/2017/10/05/ils-disaient-que-nous-etions-leurs-esclaves/violencessexuelles-perpetrees-par-les; et Amnesty International, République centrafricaine. Des civils victimes d’atrocités en BasseKotto, la protection des Nations unies s’avère ineffcace, 2017 (ci-après Amnesty International, République centrafricaine. Des civils victimes d’atrocités en Basse-Kotto, 2017), https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2017/09/central-african-republiccivilians-facing-atrocities-in-basse-kotto- as-un-protection-proves-ineffective/. |
30↑ | Voir par exemple, le Rapport Mapping du HCDH, 2017, qui souligne que les entraves pratiques et procédurales pour le dépôt de plaintes ainsi que la stigmatisation et la honte empêchent de nombreuses personnes de signaler des agressions ; et HRW, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », 2017. |
31↑ | Communication par courriel avec un représentant du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), 15 janvier 2018. |
32↑ | D’autres cas impliquant de la violence de nature sexuelle à l’égard de personnes de sexe masculin ont été documentés par la MINUSCA sans être considérés comme correspondant à la défnition de la violence sexuelle liée aux confits. Voir « Violence sexuelle à l’égard des garçons », ci-dessous. |
33↑ | Entretien avec un représentant de la MINUSCA, Bangui, 28 septembre 2017. |
34↑ | Communication par courriel avec un représentant des Nations Unies, Bangui, jeudi 21 décembre 2017. |
35↑ | Entretien avec un travailleur humanitaire de COOPI à Obo, 21 septembre 2017. D’autres cas ont été attribués aux « membres de la communauté ». |
36↑ | Entretien avec un représentant de l’OIM, Bangui, 12 septembre 2017, et entretien téléphonique avec le même représentant, le 22 janvier 2018. |
37↑ | Entretien téléphonique avec un représentant d’une organisation humanitaire internationale, Bangui, 11 janvier 2018. |
38↑ | Le Système de gestion des informations de violence basée sur le genre a été créé par les organismes des Nations Unies et des ONG afn d’aider les prestataires de services et les organismes de coordination à améliorer leurs pratiques en matière de collecte et de partage de données ainsi qu’à venir en aide aux acteurs humanitaires et aux prestataires de services pour la gestion de leurs informations sur la violence basée sur le genre. |
39↑ | La demande effectuée par l’ASP auprès du Système de gestion des informations de violence basée sur le genre concernant des renseignements supplémentaires n’avait pas reçu de réponse au moment de la rédaction. Les statistiques mensuelles sont disponibles à l’adresse https://www.humanitarianresponse.info/fr/operations/central-african-republic/documents/bundles/17903. |
40↑ | Entretien avec un représentant de l’OIM, Bangui, 12 septembre 2017. |
41↑ | Parmi les 11 110 cas, 8 797 impliquaient de la violence sexuelle et 2 313 impliquaient d’autres formes de violence basée sur le genre. |
42↑ | Voir, Système de gestion des informations de violence basée sur le genre, Rapport Annuel des Incidents de VBG 2016, 2017, http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/fles/resources/rapport_annuel_incidents_vbg_2016_gbvims_rca-2.pdf. |
43↑ | Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits, 2016, par. 26. |
44↑ | La Commission d’enquête internationale a été créée par l’intermédiaire de la Résolution 2127 du Conseil de sécurité de l’ONU en 2013. Voir Commission d’enquête internationale sur la République centrafricaine, Rapport fnal, UN Doc. S/2014/928 (2014) (ci-après Rapport fnal de la Commission d’enquête internationale, 2014). |
45↑ | Voir par exemple Amnesty International, Cinq mois de guerre contre les femmes, 2004, www.amnesty.org/fr/documents/afr19/001/2004/fr/; FIDH, “« Tout ce que je veux, c’est la réparation », Les vues de victimes de violences sexuelles en matière de réparations dans l’affaire Bemba devant la Cour pénale internationale, 2017, https://www.fdh.org/IMG/pdf/rca705fr.pdf; et HRW, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », 2017. |
46↑ | Les quelques études transversales sur la violence liée aux confits qui incluent à la fois des personnes interrogées de sexe masculin et féminin menées en République démocratique du Congo (RDC) et au Liberia ont constaté des nombres d’agressions très élevés, à la fois pour les femmes et pour les hommes. Voir, K. Johnson et al., « Association of sexual violence and human rights violations with physical and mental health in territories of the Eastern Democratic Republic of the Congo », dans le Journal of the American Medical Association, Vol. 304, No 5 (2010); et K. Johnson et al.,« Association of combatant status and sexual violence with health and mental health outcomes in post-confict Liberia », dans le Journal of the American Medical Association, Vol. 300, No 6 (2008). |
47↑ | GBVIMS, Rapport Annuel des Incidents de VBG 2016, 2017 ; et Rapport Mapping du HCDH, 2017. |
48↑ | Selon Nicola Dahrendorf, l’ancien directeur de l’Équipe déontologie et discipline de la MINUSCA, il semblait exister une méfanceparticulière concernant les agences humanitaires de la MINUSCA entre début et mi-2017. Entretien téléphonique, 13 novembre 2017. |
49↑ | L’ASP a été informé du fait que le FNUAP et la MINUSCA sont sur le point de conclure un accord de protocole pour le partage de données. Entretien téléphonique avec un représentant du FNUAP, 13 janvier 2018. |
50↑ | Disponible à l’adresse http://www.who.int/mental_health/emergencies/iasc_guidelines_french.pdf. |
51↑ | Disponible à l’adresse www.gbvims.com/wp/wp-content/uploads/ISP-Package-August-2014.pdf. |
52↑ | Disponible à l’adresse https://www.icrc.org/fre/assets/fles/other/icrc-001-0999.pdf. |
53↑ | Entretien avec un travailleur humanitaire local d’une ONG s’occupant principalement des enfants en RCA, Bangui, 12 septembre 2017. Voir également, Rapport fnal du Groupe d’experts sur la RCA, 2017. |
54↑ | Entretien téléphonique confdentiel avec un enquêteur spécialisé dans les droits fondamentaux, 18 décembre 2017. |
55↑ | Amnesty International, RCA : Des civils victimes d’atrocités en Basse-Kotto, 2017. |
56↑ | Voir HRW, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », 2017 : « Irène, 36 ans, était à l’extérieur de sa maison, dans le quartier de Banguiville à Alindao, le 9 mai, lorsque des combattants de l’UPC et de la Séléka ont demandé à parler à son mari, qui se trouvait à l’intérieur de la maison. Les combattants ont tiré dans les deux jambes de son mari alors qu’il tentait de s’échapper. Irène a déclaré que lorsque leur flle de cinq ans a commencé à pleurer, les combattants de la Séléka l’ont attachée à un poteau dans la véranda de la maison. Elle a décrit la manière dont les combattants de la Séléka l’ont ensuite violée et torturée, tout comme son mari ». |
57↑ | Rapport fnal du Groupe d’experts sur la RCA, 2017. |
58↑ | Le nom a été modifé afn de protéger la sécurité du survivant. |
59↑ | Le nom a été modifé afn de protéger la sécurité du survivant. |
60↑ | Voir MINUSCA, Rapport spécial sur les incidents de Kaga Bandoro du 12 au 15 octobre 2016, 2016, https://minusca.unmissions.org/sites/default/fles/rapport_minusca_violences_kaga.pdf; Human Rights Watch, République centrafricaine : Des groupes armés s’attaquent aux populations civiles, 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/05/02/republique-centrafricaine-des-groupesarmes-sattaquent-aux-populations-civiles; Comité international de secours, Central African Republic: Deadly violence forces suspension of aid as thousands displaced, 2016, www.rescue.org/press-release/central-african-republic-deadly-violence-forces-suspension-aid-thousands-displaced ; et ONU Info, Centrafrique : le HCR condamne une attaque contre son personnel à Kaga Bandoro, 2017, https://news.un.org/fr/story/2017/07/360342-centrafrique-le-hcr-condamne-une-attaque-contre-son-personnelkaga-bandoro. |
61↑ | Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits, 2017, par. 20. |
62↑ | Human Rights Watch, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », 2017. |
63↑ | Le nom a été modifé afn de protéger la sécurité du survivant. |
64↑ | La victime a nommément cité le colonel, information que ASP détient dans ses dossiers. |
65↑ | Le nom a été changé pour la sécurité de la victime. |
66↑ | On trouvera un résumé des informations provenant de sources secondaires sur la LRA dans le rapport du HCDH sur la cartographie, 2017. |
67↑ | International Crisis Group, Éviter le pire en République centrafricaine, 2017. |
68↑ | Voir par exemple le rapport du HCDH sur la cartographie, 2017. |
69↑ | Selon le travailleur social de COOPI, les autres victimes avaient été maltraitées par des « membres de la communauté ». |
70↑ | Entretiens, conversations téléphoniques et communications par courrier électronique avec des représentants d’organisations humanitaires entre septembre 2017 et janvier 2018. |
71↑ | La Commission a recueilli les témoignages de 103 victimes qui avaient été violées ou soumises à des violences sexuelles et a enregistré des rapports sur d’autres cas. Voir le rapport fnal de la Commission d’enquête internationale, 2014. |
72↑ | Rapport fnal de la Commission d’enquête internationale, 2014. |
73↑ | Voir Human Rights Watch, Il faut que justice soit rendue pour les lynchages, 2014, https://www.hrw.org/fr/news/2014/02/05/republique-centrafricaine-il-faut-que-justice-soit-rendue-pour-les-lynchages. |
74↑ | Groupe de discussion, Obo, 19 septembre 2017. |
75↑ | Groupe de discussion, Obo, 19 septembre 2017. |
76↑ | Entretien avec un chercheur en droits fondamentaux d’une organisation nationale de défense des droits fondamentaux, Bangui, octobre 2017. |
77↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de confit armé en République centrafricaine, Document ONU S/2016/133 (2016) (ci-après Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de confit armé en République centrafricaine, 2016). Le mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les violations graves commises contre des enfants a été établi par la résolution 1612 du Conseil de sécurité des Nations Unies de 2005 afn de recueillir systématiquement des données sur six violations graves commises contre des enfants dans des situations de confit armé, y compris la violence sexuelle. |
78↑ | Rapport du Secrétaire général de l’ONU sur le sort des enfants en temps de confit armé. Document ONU S/2017/821 (2017). Le rapport note qu’il y a également eu deux incidents de violence sexuelle commis par des éléments des forces régulières et une tentative de viol et deux viols commis par les Forces de défense populaire de l’Ouganda, mais ne précise pas si les victimes étaient des flles ou des garçons. |
79↑ | Entretien avec un fonctionnaire de l’ONU à Bangui, 15 décembre 2017. |
80↑ | Entretien de l’ASP avec un représentant d’une ONG internationale de défense des droits de l’enfant basée au Royaume-Uni, 8 janvier 2018. Selon ce représentant, l’incident a été signalé au Système de gestion de l’information sur la violence basée sur le genre et pour que des mesures soient prises dans la capitale. |
81↑ | Selon les Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés de 2007, un enfant associé à une force armée ou à un groupe armé désigne toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou employée par une force ou un groupe armé, quelle que soit la fonction qu’elle y exerce. Il peut s’agir, notamment, mais pas exclusivement, d’enfants, flles ou garçons, utilisés comme combattants, cuisiniers, porteurs, messagers, espions ou à des fns sexuelles. Le terme ne désigne pas seulement un enfant qui participe ou a participé directement à des hostilités. » Accessible à l’adresse https://www.unicef.fr/sites/default/fles/userfles/Principes%20de%20Paris(1).pdf. |
82↑ | Entretien avec un travailleur humanitaire international, Bangui, 10 septembre 2017, et entretiens Skype le 19 décembre 2017 et le 12 janvier 2018. |
83↑ | En 2014, une étude parrainée par l’UNICEF a estimé à entre 6 000 et 10 000 le nombre d’enfants associés à des groupes armés. Plusieurs centaines d’autres ont été recrutés depuis lors. Voie le Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de confit armé en République centrafricaine, 2016. |
84↑ | Malgré la libération de 12 483 enfants depuis 2014, en février 2018, les acteurs de la protection de l’enfance estimaient qu’il y avait encore des milliers d’enfants associés à des groupes armés, même si aucune estimation offcielle n’était disponible. |
85↑ | Entretien téléphonique de l’ASP avec un représentant d’une organisation humanitaire internationale, Bangui, 2 janvier 2018. |
86↑ | Entretien téléphonique avec un fonctionnaire de l’UNICEF à Bangui, 26 décembre 2017. |
87↑ | Entretien téléphonique avec un fonctionnaire de l’UNICEF à Bangui, 26 décembre 2017. |
88↑ | Entretien téléphonique avec un fonctionnaire de l’UNICEF à Bangui, 26 décembre 2017. |
89↑ | MINUSCA, Rapport sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine du 1er juin 2015 au 31 mars 2016, para. 43, https://minusca.unmissions.org/droits-de-l’homme. |
90↑ | centre international de justice transitionnelle, When No One Calls It Rape: Addressing Sexual Violence Against Men and Boys in Transitional Contexts, 2016, www.ictj.org/sites/default/fles/ICTJ_Report_SexualViolenceMen_2016.pdf Veuillez également noter que la Procureura de la CPI a fait valoir que la circoncision forcée chez les hommes devrait être considérée comme une forme de violence sexuelle (voir “Prosecution’s application for notice to be given under Regulation 55(2) with respect to certain crimes charged”, www.icc-cpi.int/CourtRecords/CR2012_07189.PDF. |
91↑ | Dans le contexte de la défnition de l’abus sexuel des enfants, la Directive 2011/93 de l’UE inclut dans cette défnition (article 3) le fait d’amener un enfant à être témoin d’activités sexuelles ou d’abus sexuels, voir http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32011L0093&rid=1HTML/?uri=CELEX:32011L0093&rid=1 Trouvé dans les Lignes directrices terminologiques pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, adoptées par le Groupe de travail interinstitutions à Luxembourg, 2016. |
92↑ | Par exemple, Human Rights Watch a documenté des cas, notamment un incident survenu en Basse-Kotto en 2017, au cours duquel un garçon de cinq ans a été témoin du viol de sa mère par des éléments de l’UPC et a été tué pour avoir tenté de l’aider, voir Human Rights Watch, République centrafricaine : Les civils pris pour cible dans une nouvelle fambée de violences, 2017 (ci-après HRW, Les civils pris pour cible dans une nouvelle fambée de violences, 2017, http://centrafrique-presse.over-blog.com/2017/10/republique-centrafricaine-les-civils-pris-pour-cible-dans-une-nouvelle-fambee-de-violences.html); le cas d’un garçon de 10’ans qui a été tué lorsqu’il a tenté d’aider sa mère qui était violée par des éléments ex-Séléka lors d’une attaque contre Zangba en mai 2017 ; et un autre cas de deux adolescents qui ont été enlevés par des combattants ex-Séléka après avoir été forcés d’assister au viol de leur mère lors d’une descente dans leur maison dans la province d’Ombella-M’poko en février 2015. Voir Human Rights Watch, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », 2017. D’autres incidents similaires sont documentés par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, « Tout ce que j’attends, c’est la réparation ». Les vues de victimes de violences sexuelles en matière de réparations dans l’affaire Bemba devant la Cour pénale internationale, 2017. |
93↑ | Conformément à la circulaire 2003 du Secrétaire général de l’ONU sur les Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les abus sexuels, l’expression « exploitation sexuelle » désigne le fait d’abuser ou de tenter d’abuser d’un état de vulnérabilité, d’un rapport de force inégal ou de rapports de confance à des fns sexuelles, y compris, mais non exclusivement en vue d’en tirer un avantage pécuniaire, social ou politique et l’expression « abus sexuel » désigne toute atteinte sexuelle commise avec force, contrainte ou à la faveur d’un rapport inégal, la menace d’une telle atteinte constituant aussi l’abus sexuel. Voir le Document ONU ST/SGB/2003/13 (2003). |
94↑ | Voir ONU, Lutter contre l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les soldats de la paix, Rapport du Groupe d’enquête externe indépendant sur l’exploitation et les atteintes sexuelles commises par les forces internationales de maintien de la paix en République centrafricaine, Document ONU A/71/99 (2016). |
95↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général, Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les atteintes sexuelles : une nouvelle stratégie. Document ONU A/71/818 (2017). |
96↑ | Échanges confdentiels par courrier électronique avec un fonctionnaire de l’UNICEF à Bangui, le 4 janvier 2018 et le 11 février 2018. |
97↑ | Entretien avec un fonctionnaire de l’UNICEF à Bangui, 3 octobre 2017. |
98↑ | Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits, 2016. |
99↑ | Entretien téléphonique avec un fonctionnaire de l’UNICEF à Bangui, 26 décembre 2017. |
100↑ | Entretien avec un responsable de Médecins du Monde, Bangui, 11 septembre 2017. |
101↑ | Entretien avec un fonctionnaire du gouvernement local, Obo, 15 septembre 2017. |
102↑ | Entretien avec le chef de quartier, Obo, 15 septembre 2017. |
103↑ | Compte tenu de la stigmatisation associée à l’homosexualité en RCA, il est possible que l’information ne soit pas rapportée et qu’il s’agisse donc d’un facteur caché dans la victimisation de certains individus. D’autres recherches seraient nécessaires pour déterminer si tel est le cas. |
104↑ | Entretien avec un travailleur humanitaire local, Bangui, 5 octobre 2017. |
105↑ | Entretien avec un responsable de Médecins du Monde, Bangui, septembre 2017. |
106↑ | Discussions de groupe à Obo et Bangui, 19 et 20 septembre 2017, et 26 et 27 septembre 2017. |
107↑ | Groupe de discussion, Obo, 19 septembre 2017. |
108↑ | Groupe de discussion, Bangui, 26 septembre 2017. |
109↑ | Groupe de discussion, Bangui, 26 septembre 2017. |
110↑ | Entretien avec une victime de violence sexuelle, Bangui, 10 septembre 2017. |
111↑ | Constitution de la République centrafricaine, 2015, Articles 1, 3, 4, 5, 6 et 17, www.assembleenationale-rca.org/wp – content/ uploads/2016/04/projet-constitution-RCA-adopte-par-CNT-2015.pdf. |
112↑ | Voir l’article 4(2)(e) du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de confits armés non internationaux (Protocole II), 1977. |
113↑ | Statut de Rome de la CPI, article 7.1.g ; articles 8.2.b.xxii et 8.2.e.vi. |
114↑ | Article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; articles 1, 2 et 15 de la Convention contre la torture ; articles 6, 19, 24, 34 et 37(a) de la Convention relative aux droits de l’enfant ; articles 4 et 5 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. |
115↑ | L’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels exige que : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre » et l’article 12.2(b) « Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer : la création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie. » Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations fagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, article 21 « La réadaptation devrait comporter une prise en charge médicale et psychologique ainsi que l’accès à des services juridiques et sociaux. ». |
116↑ | Il a été noté que la défnition des crimes contre l’humanité dans le Code pénal centrafricain ne couvre pas la persécution fondée sur le sexe et que les articles énumérant les crimes de guerre ne précisent pas les éléments des crimes (c’est-à-dire les divers aspects de la conduite criminelle qui équivaudraient à un crime de guerre). Pour une analyse juridique de ces dispositions, voir Case Matrix Network, Poursuites des violences sexuelles et basée sur le genres en République centrafricaine, 2017, http://blog.casematrixnetwork.org/toolkits/uncategorized/car–legal-framework-for-confict-related-sgbv-prosecution/?doing_wp_cron=1516870142.105645895004272460937. |
117↑ | L’élaboration de la stratégie nationale est coordonnée par le Ministère de la promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfance, en partenariat avec le FNUAP, le HCR, l’UNICEF et ONU Femmes. |
118↑ | Le projet de stratégie nationale reconnaît l’absence de données de base sur lesquelles fonder les indicateurs et les mesures et propose qu’une enquête nationale sur la violence basée sur le genre, y compris à l’égard des hommes, soit menée pour remédier à ce problème (Activité 6.1.2.1). |
119↑ | OMS, Directives pour la prise en charge médico-légale des victimes de violences sexuelles, 2003. Extrait de : OMS, Lignes directices pour la prise en charge médico-légale des victimes de violences sexuelles, 2003, http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/42788/1/924154628X.pdf. |
120↑ | HCR et Refugee Law Project, Travailler avec les hommes et les garçons survivants de violence sexuelle et basée sur le genre dans les situations de déplacement forcé, Notes d’orientation 4, 2012. |
121↑ | La prophylaxie post-exposition ne doit être utilisée que dans les 72 heures suivant la pénétration. |
122↑ | Voir OMS, Responding to children and adolescents who have been sexually abused – WHO clinical guidelines, 2017; OMS, Lutter contre la violence entre partenaires intimes et la violence sexuelle à l’encontre des femmes : recommandations cliniques et politiques, 2013 ; OMS, Gestion clinique des victimes de viol: Développement de protocoles à adopter avec les réfugiés et les personnes déplacées dans leur propre pays, 2004 ; OMS, Directives pour la prise en charge médico-légale des victimes de violences sexuelles, 2003; UNFPA, Normes minimales pour la prévention et la réponse à la violence basée sur le genre dans les situations d’urgence, 2015 ; Médecins Sans Frontières (MSF), Medical Protocol for Sexual Violence Care, 2nd edition, 2014; et IRC, Caring for Child Survivors of Sexual Abuse, Guidelines for health and psychosocial service providers in humanitarian settings, 2006. |
123↑ | Diverses formes de soutien sont nécessaires en fonction de l’expérience spécifque de l’individu, mais elles peuvent comprendre les premiers secours psychologiques, le conseil individuel, des activités de soutien de groupe et des interventions plus larges auprès des familles et des communautés locales. Les services spécifques peuvent inclure : la santé mentale et le soutien psychosocial individuel ; les soins psychiatriques, y compris pour les victimes de la torture ; les interventions visant à atténuer les dommages liés à la consommation d’alcool et d’autres substances ; et la facilitation de l’entraide communautaire et du soutien social, par exemple, soutenir le développement de la protection communautaire et la planifcation de l’intervention, la formation et la supervision des travailleurs communautaires sur la fourniture de services de santé mentale et le soutien psychosocial d’urgence et l’appui aux activités de soutien social gérées par la communauté. Voir CPI, Directives concernant la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence, 2007. |
124↑ | HCR et Refugee Law Project, Travailler avec les hommes et les garçons survivants de violence sexuelle et basée sur le genre dans les situations de déplacement forcé, Notes d’orientation 4, 2012. |
125↑ | Voir par exemple UNFPA, Normes minimales pour la prévention et la réponse à la violence basée sur le genre dans les situations d’urgence, 2015. |
126↑ | Une approche centrée sur les victimes implique que leur bien-être et leurs droits sont prioritaires et que leurs besoins sont identifés et exprimés dans le plus grand respect de leur vie privée et de leur consentement éclairé. Dans ce cadre, une victime a le droit d’être crue et traitée avec dignité et respect, et a le droit de recevoir toute l’information nécessaire pour être en mesure de prendre sa propre décision et de choisir la ligne de conduite à adopter. |
127↑ | OMS et HCR, Gestion clinique des victimes de viol. Développement de protocoles à adopter avec les réfugiés et les personnes déplacées dans leur propre pays, édition révisée, 2004, p. 3; et CPI, Directives concernant la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence, 2007, p. 9. |
128↑ | OMS, Responding to children and adolescents who have been sexually abused – WHO clinical guidelines, 2017. |
129↑ | HCR et Refugee Law Project, Travailler avec les hommes et les garçons survivants de violence sexuelle et basée sur le genre dans les situations de déplacement forcé, Notes d’orientation 4, 2012. |
130↑ | Les signes courants peuvent inclure le fait d’avoir des diffcultés à s’asseoir confortablement, de se plaindre de lombalgies, ce qui signale des problèmes rectaux, d’avoir une forte préférence par rapport au sexe de la personne qui les interroge, ou de manifester des niveaux élevés d’homophobie. |
131↑ | OMS, Directives pour la prise en charge médico-légale des victimes de violences sexuelles, 2003, p. 17 ; et CPI, Directives concernant la santé mentale et le soutien psychosocial dans les situations d’urgence, 2007, p. 10. |
132↑ | En 2017, 16 travailleurs humanitaires ont été tués et 370 incidents de sécurité impliquant des ONG ont été enregistrés par l’ONG internationale Safety. |
133↑ | Pour une analyse détaillée de l’accès aux soins et au soutien des femmes victimes de violences sexuelles en RCA, voir Human Rights Watch, « Ils disaient que nous étions leurs esclaves », 2017. |
134↑ | Réunions de l’ASP avec des organisations humanitaires internationales à Bangui, en décembre 2017 et janvier 2018. |
135↑ | Une série d’activités de sensibilisation ont été décrites, y compris du porte à porte, des réunions, des émissions radiophoniques et l’intégration de la sensibilisation dans des activités culturelles telles que le théâtre ciblant les responsables communautaires, politiques, religieux et autres, ainsi que des groupes tels que les jeunes et les femmes. |
136↑ | ASP a consulté du matériel de communication sur la violence basée sur le genre produit par quatre ONG internationales et la MINUSCA. D’autres ONG internationales et l’ONU n’avaient pas d’échantillons disponibles pendant les entretiens. |
137↑ | Entretien d’ASP avec un travailleur humanitaire local, Bangui, 6 octobre 2017. |
138↑ | Entretien via Skype avec un représentant d’une organisation humanitaire internationale, Bangui, 23 décembre 2017. |
139↑ | Voir l’avant-projet de Stratégie nationale de lutte contre la violence basée sur le genre en République centrafricaine 2018-2021. |
140↑ | Groupe de discussion, Obo, 19 septembre 2017. |
141↑ | UNFPA, Croix-Rouge française et gouvernement de la RCA, Évaluation De La Qualité Des Services De Prise En Charge Clinique Des Violences Sexuelles En RCA, juillet 2016 – février 2017, 2017, https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/fles/resources/rapport_eva_qlte_pec_vs_rca_17_vd_1.pdf. |
142↑ | Communication confdentielle par courrier électronique, novembre 2017. Selon la source, les services aux victimes de violence sexuelle ont été interrompus en avril 2017 lorsqu’une ONG internationale s’est retirée d’une relation d’accueil avec l’hôpital. Les services aux victimes de violences sexuelles ont été relancés avec l’appui d’une ONG internationale en décembre 2017. |
143↑ | Entretien avec un médecin à l’hôpital communautaire, Bangui, 3 octobre 2017. |
144↑ | De même, une fonctionnaire de l’hôpital public d’Obo a confé à l’ASP qu’elle n’avait pas non plus connaissance de cas d’hommes ou de garçons victimes de violences sexuelles qui y ont été traités. Entretien avec un responsable médical à l’hôpital public d’Obo, Obo, 16 septembre 2017. |
145↑ | Entretien avec la conseillère principale à la protection des femmes de la MINUSCA, Bangui, 13 septembre 2017. |
146↑ | Voir « Victimes masculines de la violence sexuelle de Kaga Bandoro » ci-dessus. Comme pour les autres victimes interrogées, l’ASP a fourni à Alexis des informations sur les endroits où il pouvait se rendre pour obtenir de l’aide médicale et d’autres formes d’assistance et a fait un suivi auprès de ses interlocuteurs pour s’enquérir de son bien-être et s’il avait effectivement reçu un traitement. |
147↑ | Selon cette source, 10 étudiants en psychologie ont obtenu leur diplôme en décembre 2017 dans une université de Bangui. |
148↑ | Entretien avec un travailleur humanitaire local, Bangui, 5 octobre 2017. Entretien avec une organisation humanitaire locale, Obo, 15 septembre 2017. |
149↑ | Entretien avec un représentant d’une organisation humanitaire internationale, Bangui, 4 janvier 2018. |
150↑ | Entretien avec un représentant d’une ONG humanitaire internationale, Bangui, 18 décembre 2017. |
151↑ | La mission a été réalisée par la zone de responsabilité de la protection mondiale de l’enfance à la demande du Sous-groupe de la Protection de l’enfance en RCA avec pour mandat de recommander des voies et moyens de renforcer la coordination des réponses aux enfants victimes de violence sexuelle.La zone de responsabilité de la protection de l’enfance fait partie du Groupe mondial de la protection et son rôle est d’assurer la rapidité, la qualité et la couverture des interventions coordonnées de protection de l’enfance dans les situations humanitaires. Zone de responsabilité de la protection mondiale de l’enfance, Rapport de mission : République centrafricaine, 2017, www.globalprotectioncluster.org/_assets/fles/feld_protection_clusters/Central_ African_Republic/fles/car-mission-report.en.pdf. |
152↑ | HCR, Rapport sur la cartographie, 2017. |
153↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, Document ONU S/2017/865 (2017), para. 50. |
154↑ | Selon le rapport fnal du Groupe d’experts sur la RCA, 2017 : « des offciers sont progressivement redéployés dans plusieurs préfectures, y compris à Bambari où une « zone franche de groupes armés » a été créée en février 2017… 32 gendarmes ont été déployés avec l’appui de la MINUSCA depuis lors. À la mi-octobre, neuf gendarmes et sept policiers ont également été déployés à Bocaranga (préfecture d’Ouham-Pendé). ». |
155↑ | Ces initiatives en matière de justice s’appuient sur la Stratégie de réconciliation nationale de novembre 2014 et sur les engagements pris lors du Forum de Bangui en mai 2015. La Stratégie de réconciliation nationale, élaborée par le Gouvernement de transition, décrit un vaste plan d’action visant à réduire les confits entre belligérants et au sein des communautés, et à jeter les bases d’une réconciliation à long terme. Elle a notamment demandé que les auteurs de crimes visant des civils en raison de leur appartenance sociale, ethnique ou religieuse, fassent l’objet d’une enquête, soient arrêtés et traduits en justice, et qu’une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation soit établie. Voir Stratégie globale de réconciliation nationale en RCA, 2014. Le Forum de Bangui (offciellement le Forum national sur la réconciliation et la reconstruction), auquel ont participé 585 représentants du gouvernement, des groupes armés et de la société civile, a abouti à la signature de trois accords par les parties au confit, dont le Pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale et la reconstruction, en vertu duquel les signataires se sont engagés, entre autres, à créer une Cour pénale spéciale pour juger les crimes graves, à coopérer aux enquêtes de la Cour pénale spéciale, de la CPI et des tribunaux nationaux, et à établir d’autres processus de justice transitionnelle. Voir Rapport général du Forum national de Bangui du 4 au 11 mai 2015, https://jfakiblog.fles.wordpress.com/2016/05/forum-de-banguirapport-general.pdf. |
156↑ | Décret N°15.007, portant Création d’une Unité Mixte d’Intervention Rapide et de Répression des Violences Sexuelles Faites aux Femmes et aux Enfants, 2015. |
157↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, Document ONU S/2017/94 (2017), para. 33. |
158↑ | Entretien avec des fonctionnaires de l’ONU travaillant à l’appui de l’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants, Bangui, 6 octobre 2017. |
159↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de confit armé en République centrafricaine, Document ONU S/2017/865 (2017), para. 35. |
160↑ | Entretien avec un fonctionnaire de l’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants à Bangui, 6 octobre 2017. |
161↑ | Voir l’avant-projet de Stratégie nationale de lutte contre la violence basée sur le genre en République centrafricaine 2018-2021. Copie dans les dossiers d’ASP. |
162↑ | Entretien avec des fonctionnaires de l’ONU travaillant à l’appui de l’Unité mixte d’intervention rapide et de répression des violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants, Bangui, 6 octobre 2017. |
163↑ | Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo (N° ICC-01/05-01/05-01/08), Chambre de première instance III de la CPI, arrêt du 21 mars 2016. |
164↑ | Paragraphe 498 (notes de bas de page omises) : « Quelques jours plus tard, six soldats armés sont entrés dans la concession de P69. Au moins quatre d’entre eux ont traîné sa femme hors de la cuisine, l’ont jetée par terre et « ont couché » avec elle. P69 a vu plus tard du sperme s’échapper de son vagin et de son anus ; sa femme a dit que les soldats l’avaient pénétrée. Lorsque P69 a protesté, deux soldats l’ont emmené dans une chambre à coucher, et le tenant sous la menace d’une arme à feu, ont pénétré son anus et sa bouche. Par la suite, P69 a subi de graves dommages à son anus, sa femme a dû subir une opération et sa famille a été « complètement détruite.». |
165↑ | Paragraphe 494 (notes de bas de page omises) : « Le même jour où sa femme, ses flles et sa petite-flle ont été attaquées, trois soldats armés ont pénétré de force l’anus de P23 avec leur pénis dans sa concession, sous le regard des membres de sa famille et de son voisin. À la lumière de ce qui précède, la Chambre constate qu’en début novembre 2002, dans la concession de P23 au PK12, trois auteurs, par la force, ont envahi le corps de P23 en pénétrant son anus avec leurs pénis. Après les événements, P23 ne pouvait plus marcher, car son anus était gonfé et il n’était traité qu’avec des feuilles traditionnelles. Les gens de sa communauté lui ont manqué de respect. Il se considérait comme un « homme mort. ». |
166↑ | On trouvera un résumé de la procédure et des liens vers les documents pertinents dans CPI, Fiche d’information sur l’affaire, https://www.icc-cpi.int/car/bemba/Documents/BembaEng.pdf. |
167↑ | On trouvera un résumé de l’enquête en cours et des liens vers des documents pertinents, à l’adresse www.icc-cpi.int/carII. |
168↑ | Loi organique No 15.003 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour Pénale Spéciale), disponible à l’adresse www.legal-tools.org/en/doc/248f36/. |
169↑ | Toussaint Muntazini Mukimapa, ancien procureur militaire en RDC, a été nommé Procureur spécial en février 2017. Pour consulter d’autres nominations, voir. |
170↑ | FIDH, « Qu’est-ce que la Cour pénale spéciale », 2017 https://www.fdh.org/fr/regions/afrique/republique-centrafricaine/qu-est-ce-que-la-cour-penale-speciale. |
171↑ | Entretien avec le Procureur spécial de la Cour pénale spéciale, Bangui, 29 septembre 2017. « Une stratégie de sensibilisation a été élaborée et des séances préliminaires de sensibilisation ont eu lieu auprès de la société civile. » Voir https://reliefweb.int/report/central-african-republic/progress-and-challenges-establishing-special-criminal-court-central. |
172↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, Document ONU S/2017/865 (2017), para. 48. |
173↑ | Article 7, Loi organique N 15-003 portant création, organisation et fonctionnement de la Cour pénale spéciale, adoptée le 3 juin 2015. |
174↑ | HCR, Rapport sur la cartographie, 2017. P. 324. |
175↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux confits, Document ONU S/2017/249 (2017), para. 23. |
176↑ | Communication par courrier électronique avec un fonctionnaire de la MINUSCA, 22 novembre 2017. |
177↑ | « Alexis », voir « Victimes masculines de la violence sexuelle de Kaga Bandoro » ci-dessus. |
178↑ | Selon l’ONU, « quatorze tribunaux étaient opérationnels en dehors de Bangui. La situation sécuritaire a empêché le redéploiement des acteurs judiciaires dans l’Est. » Voir ONU, Rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, Document ONU S/2017/865 (2017), para. 50. |
179↑ | Selon l’ONU, « les autorités nationales ont approuvé la stratégie nationale sur l’aide juridique et fnalisé la révision de l’avantprojet de loi sur l’aide juridique, avec l’appui de la MINUSCA et du PNUD. Une troisième clinique d’aide juridique a été ouverte à Bossangoa, en plus de celles de Bangui et Bria.» Voir ONU, Rapport du Secrétaire général sur la République centrafricaine, Document ONU S/2017/865 (2017), para. 50. |
180↑ | HCR, Rapport sur la cartographie, 2017. |
181↑ | Accord sur les principes de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement (DDRR), 10 mai 2015. Voir Rapport général du Forum national de Bangui du 4 au 11 mai 2015 Une stratégie nationale de DDRR a ensuite été adoptée en octobre 2016. |
182↑ | Voir le rapport à mi-parcours du Groupe d’experts sur la République centrafricaine reconduit dans son mandat par la résolution 2339 du Conseil de sécurité, Doc.S/2017/639 (2017), par.26 ; et le Rapport fnal du Groupe d’experts sur la RCA, 2017, para.18. Ce dernier note que la formation a été reportée « pour des raisons à la fois administratives et politiques, car l’intégration des anciens combattants Séléka dans l’armée nationale reste contestée par certains offciers de haut rang des FACA ». |
183↑ | HCR, Rapport sur la cartographie, 2017. |
184↑ | Résolution 2387 du Conseil de sécurité de l’ONU (2017). |
185↑ | Voir par exemple HRW, Les civils pris pour cible dans une nouvelle fambée de violences, 2017 ; et Amnesty International, Des civils victimes d’atrocités en Basse-Kotto, 2017. |
186↑ | Résolution 2387 du Conseil de sécurité de l’ONU (2017). Les troupes supplémentaires ont porté le plafond de la MINUSCA à 11 650 militaires. |
187↑ | Conversation par courrier électronique avec Lewis Mudge, Human Rights Watch, 13 septembre 2017 et conversation confdentielle par courrier électronique avec un fonctionnaire de la MINUSCA, 6 décembre 2017. |
188↑ | Entretien confdentiel avec un fonctionnaire civil de la MINUSCA à Bangui, 9 décembre 2017. |
189↑ | Entretien confdentiel avec un fonctionnaire civil de la MINUSCA à Bangui, 8 décembre 2017. |
190↑ | Dans sa résolution 1882 (2009), le Conseil de sécurité des Nations Unies a prié le Secrétaire général de l’ONU d’inclure dans les annexes à ses rapports sur les enfants et les confits armés les parties à un confit armé qui, en violation du droit international applicable, commettent des meurtres et des mutilations d’enfants et/ou des viols et autres violences sexuelles. |
191↑ | ONU, Rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de confit armé, Document ONU S/2017/821 (2017). Tous les trois sont également répertoriés pour d’autres violations graves à l’égard des enfants, y compris le recrutement militaire et le meurtre et la mutilation d’enfants. |
192↑ | Entretien d’ASP avec un fonctionnaire de la MINUSCA, 12 janvier 2018. |